Le livre du cercle

le
sentit se raidir, mais au bout de quelques secondes ses muscles se relâchèrent.
    Will
n’était même pas conscient de rompre son premier vœu tandis qu’il caressait
Elwen et entendait un soupir de pâmoison franchir ses lèvres.
    Soudain,
ils entendirent quelqu’un ricaner derrière eux.
    Ils
se séparèrent à la hâte et virent un domestique passer avec un plateau chargé
de boissons. Il sortit bientôt du couloir en continuant à pouffer.
    Will
prit les mains d’Elwen.
    — Nous
pouvons nous marier en secret. Nous ne sommes pas obligés de mettre au courant
qui que ce soit.
    Néanmoins,
les mots d’Everard résonnaient dans son esprit : James Campbell a commencé
quelque chose, tu peux le finir pour lui.
    — Mais
d’abord, je dois faire quelque chose.
     

 
    Chapitre 31
    Les Sept Étoiles,
Paris
     
    2 novembre 1266 après
J.-C.
     
    Adela
attacha le collier jaune et vermillon autour de son cou et regarda son reflet
dans le miroir en argent. Le contact des perles en verre sur sa peau était
froid. Elle toucha le collier et se rappela que Garin lui avait dit qu’il lui
allait bien. Cela faisait presque trois heures qu’il était parti et Rook était
toujours au rez-de-chaussée, à boire de la bière qu’il ne comptait pas payer.
    Plus
tôt dans l’après-midi, Garin était venu la voir. Il était pâle et agité.
    — Je
dois aller à la commanderie, lui avait-il dit, mais je reviens dès que je peux.
Si tout va bien, Rook sera parti d’ici demain. Quoi qu’il arrive, ne te mets
pas en travers de son chemin.
    — Pourquoi
ne veux-tu pas me dire ce qu’il fait ici ? avait-elle demandé. Pourquoi a-t-il
autant d’emprise sur toi ? Je peux dire à Fabien de le faire partir.
Demande-le-moi et je le ferai.
    — Surtout
pas ! Ne fais rien qui puisse l’énerver.
    Laisse-moi
l’aider à obtenir ce qu’il est venu chercher à Paris. Il partira dès qu’il aura
ce qu’il veut.
    — Tu
es un Templier, Garin. Pourquoi laisses-tu un serpent comme lui te traiter de
cette façon ?
    Il
n’avait rien répondu.
    Adela
s’approcha de son atelier et attrapa un flacon d’essence de jasmin dont elle se
parfuma les cheveux. Un groupe de marchands venu de Flandre était arrivé juste
après les vêpres, la nuit serait agitée. Ses yeux tombèrent sur son herbier,
ouvert sur une page donnant la recette d’une potion contraceptive. Dans les
marges, elle avait rédigé quelques annotations sur la meilleure méthode
d’avortement pour les cas où la potion ne fonctionnait pas. Un médecin voyageur
qui avait passé une nuit dans son établissement lui en avait fait la
démonstration sur une de ses filles tombée enceinte. Mais Adela ne voulait pas
pratiquer d’avortements : elle aimait les bébés. Elle imaginait une maison avec
assez de terrain pour y faire pousser des herbes, et des enfants heureux, de petits
chérubins riant dans la cuisine tandis qu’elle préparerait des gâteaux à la
lavande ou des potions pour les genoux écorchés et les piqûres d’orties. Elle
ferma le livre. Garin pouvait-il vraiment lui offrir ce dont elle rêvait?
Depuis des mois qu’il venait la voir, il lui arrivait parfois de penser que
oui, puis quelque chose l’énervait et il adoptait un comportement immature, ou
distant. Adela n’avait jamais rencontré d’homme capable d’être si égoïste par
moments et si tendre à d’autres. Elle n’aurait pas pensé à construire quoi que
ce fût avec lui si elle n’avait compris que derrière cet aspect irascible se
cachait un enfant accablé et terrifié, qui ne savait ni qui il était vraiment,
ni où était sa place en ce monde. Certaines nuits, il restait contre elle sans
rien dire à verser des torrents de larmes chaudes sur sa poitrine. Dans ces
cas-là, elle avait envie de le materner et de l’aimer. Et elle avait cru les
promesses qu’il lui avait faites dans ses moments d’euphorie
    -
quand il serait riche et qu’il aurait un domaine, il l’emmènerait loin des Sept
Étoiles, elle viendrait avec lui et ils vivraient ensemble. Elle passait son
temps à répéter à ses filles qu’il ne fallait surtout pas s’attacher. Mais sa
faiblesse pour le beau chevalier insaisissable la faisait douter d’elle-même,
et de la vie qu’elle avait choisie.
    Soudain,
la porte s’ouvrit et Rook entra dans la chambre. Son visage était échauffé par
l’alcool et ses paupières tombaient lourdement sur ses yeux.
    Adela
se leva pour attraper sa robe et la serra contre