Le livre du cercle
Ce
n’était pas si difficile, non? dit-il en nouant avec un art consommé les
longues cordes tressées aux pieds trapus et courts du lit.
Il
tira sur chacune d’elles pour vérifier qu’elles étaient bien fixées, puis il se
redressa.
— Maintenant,
il ne nous reste plus qu’à nous occuper jusqu’au retour de ce misérable,
reprit-il en se tournant vers elle. Allonge-toi sur le lit.
— Quoi
? s’exclama-t-elle, sidérée par l’absence totale d’émotion avec laquelle il
avait prononcé ces mots.
— Tu
es là pour satisfaire les besoins des hommes, n’est-ce pas ?
Rook
désigna le lit d’un mouvement du menton.
— Alors
satisfais mes besoins.
— Vous
devrez payer.
Elle
avait mis dans sa voix une pointe de défi mais elle se sentait prête à éclater
en sanglots.
— Garin
réglera l’addition.
Rook
la regarda détourner la tête, son air de détresse le ravissait.
— Je
ne pensais pas qu’il en faudrait aussi peu pour te briser le cœur.
Il
s’approcha d’elle et écarta ses bras. La robe s’ouvrit. Il recula d’un pas,
l’évalua un moment puis, quand il se sentit de nouveau excité, il l’attrapa par
le poignet et la conduisit sur la paillasse.
Adela
essaya de se dire que ce n’était qu’un client de plus, qu’il n’était pas pire
que certaines des brutes qu’elle avait connues, mais elle ne put s’empêcher de
pleurer quand Rook monta sur elle et qu’elle reçut son haleine fétide en plein
visage.
Le Temple, Paris,
2 novembre 1266
après J.-C.
— Combien
de temps seras-tu parti ? demanda Simon en fixant une deuxième selle sur le
banc.
— Je
ne sais pas, répondit Will. Peut-être quelques semaines.
Un
frisson le parcourut et il essuya son front glacé et moite. Sa main se couvrit
de sueur.
— Je
n’aime pas ça, dit Simon d’une voix ferme. Qu’est-ce que tu feras si tu
retrouves Nicolas ? Ils sont quatre. Je ne veux pas être méchant, mais Everard
est incapable de se battre et toi...
Simon
passa sa langue sur sa lèvre inférieure tout en regardant Will.
— Et
toi, poursuivit-il, on pourrait croire que tu ne peux même pas tenir une épée
en ce moment, alors en manier une...
Il
s’approcha de Will et posa la main sur l’épaule de son ami avec embarras.
— Tu
n’as pas dit un mot à propos de ton père, Will, depuis que nous avons appris
pour Safed.
— Nous
ne nous battrons pas avec Nicolas, dit Will en se dégageant de l’étreinte de
son ami.
Il
alla chercher deux rênes sur l’un des crochets fixés au mur de l’écurie et les
tendit à Simon.
— S’il
a prévu de se rendre en Acre, il devra attendre un bateau. Everard s’assurera
du concours des chevaliers de notre commanderie à La Rochelle. Nous arrêterons
Nicolas et ses frères là-bas, puis nous les tiendrons sous bonne garde.
— Mais
pourquoi faut-il que tu y ailles ? Everard pourrait demander au visiteur
d’envoyer des chevaliers à leurs trousses, non ?
— Cela
soulèverait trop de questions auxquelles Everard ne souhaite pas répondre pour
le moment. Les chevaliers de La Rochelle ne connaissent pas Nicolas.
— En
tout cas, je suis surpris que le maître d’écurie vous laisse prendre ces
chevaux, dit Simon, agacé du peu de cas que faisait Will de ses inquiétudes. Il
m’a dit que vous aviez perdu les autres.
— Nous
les avons récupérés, dit Will en attrapant les sacs qu’Everard lui avait donnés
et qu’il devait remplir de victuailles.
Dans
l’après-midi, un chevalier revenant d’une métairie appartenant à la commanderie
avait croisé les deux palefrois perdus au milieu d’un champ. Voyant qu’ils
portaient l’emblème du Temple, il les avait ramenés, si bien que le maître
d’écurie n’avait eu d’autre choix que d’accepter quand Everard était venu une
heure plus tôt à l’écurie lui demander de ferrer deux montures et de les tenir
prêtes pour un départ à l’aube.
— Maître
Campbell ?
Un
sergent était apparu à l’entrée de l’écurie et saluait Will.
— J’ai
un message pour vous. On me l’a donné il y a un petit moment, mais je
n’arrivais pas à vous trouver.
— J’étais
parti. De quoi s’agit-il ?
— Un
garçon me l’a transmis aux grilles, où j’étais de corvée. C’est de la part
d’une femme, une certaine Elwen. Elle voudrait vous rencontrer dans une auberge
du Quartier latin, les Sept Etoiles, qui se trouve dans la rue menant à la
montagne Sainte-Geneviève.
— A-t-il
dit
Weitere Kostenlose Bücher