Le livre du cercle
chacun fut embarrassé par cet étrange débordement.
— Je
ne sais même pas comment tu es arrivée ici, dit Will.
— C’est
une longue histoire, répondit-elle en s’essuyant les yeux du revers de la main.
Je te raconterai une autre fois. Pour faire court, je suis venu avec un
marchand. Un Vénitien.
— Tu
as un endroit où rester ?
— Oui,
avec lui.
Elwen
surprit l’air contrarié de Will et sourit.
— C’est
un fournisseur du palais, à Paris. À la demande de la reine Marguerite, il m’a
offert un travail et un logement ici. Il a une fabrique de tissus dans le
quartier vénitien. C’est un homme bon, et sa femme aussi. Ils ont trois filles
avec qui je m’entends bien.
Will
lui rendit son sourire. Dehors, une cloche sonna. Il regarda par-dessus son
épaule, comme si on l’appelait en personne.
— J’aimerais
bien qu’on puisse parler plus longtemps, mais...
— Je
sais, le coupa Elwen. Il vaut mieux que je parte. Je comprends.
— Non,
tu ne comprends pas. Écoute, Elwen, je vais probablement partir. Ce ne sera que
pour quelques jours, j’espère. Mais je dois vraiment y aller. Je suis désolé.
Elwen
hocha la tête.
— Après
ça, poursuivit Will, nous aurons davantage de temps pour parler.
Il
baissa les yeux sur son manteau.
— Je
ne sais pas ce que nous... enfin, je ne sais même pas si...
Elwen
l’arrêta en posant un doigt sur ses lèvres.
— Ce
n’est pas la peine de dire quoi que ce soit. Nous ne sommes pas obligés de penser
déjà à la suite. C’est encore bizarre pour moi de me retrouver ici. J’ai besoin
de temps, moi aussi.
Elle
passa devant lui, puis s’arrêta, se mit sur la pointe des pieds et lui déposa
un baiser sur la joue.
— Je
te verrai à ton retour.
Quand
elle fut partie, Will resta seul un long moment. A l’endroit où elle l’avait
embrassé, sa joue le brûlait.
Chapitre 47
Le Temple, Acre
20 mai 1272 après
J.-C.
— Faites
attention. Ma signature est à peine sèche.
Will
prit le rouleau que le prince Édouard lui tendait.
Il
l’inséra dans un étui qu’il glissa dans sa sacoche. En nouant la sangle, il
sentit le poids de la responsabilité peser sur lui. Everard n’avait pas
seulement sollicité le prince pour qu’il le laisse se joindre à la compagnie,
il lui avait demandé que Will la dirige.
— Êtes-vous
certain que nous envoyons assez de troupes, monseigneur ?
Edouard
se tourna vers le grand maître de l’Hôpital.
— Nous
n’avons aucune raison de craindre un combat, maître de Revel.
— Nous
n’en savons rien. Et même si Baybars a l’intention d’honorer sa promesse, il y
a deux jours de voyage jusqu’à Césarée. Les Bédouins utilisent cette route. Ils
pourraient attaquer une aussi petite troupe pour la détrousser.
— J’en
doute, fit la voix profonde de Thomas Bérard, grand maître du Temple.
Edouard
et Revel se tournèrent en le voyant arriver.
— De
plus, frère, ajouta-t-il à l’intention du maître hospitalier, nous ne voulons
pas passer pour belliqueux. C’est un traité de paix, après tout.
Hugues
de Revel ne parut pas totalement convaincu par ses arguments, mais il acquiesça
d’un bref hochement de tête.
— Je
m’assurais juste que nous avions pris nos précautions, frère. Nous ne pouvons
nous permettre aucun incident.
Tous
trois se tournèrent vers Will, qui inclina la tête.
— Il
n’y en aura pas, maîtres.
Les
grands maîtres de l’Hôpital et du Temple semblèrent satisfaits et ils
s’éloignèrent pour discuter avec les autres dignitaires du gouvernement d’Acre
venus assister au départ de la compagnie.
Édouard
s’attarda un instant.
— Bonne
chance, Campbell, dit-il avant de s’éloigner.
Will
regarda le prince se diriger vers trois chevaliers royaux qui préparaient leur
monture.
Le
plan d’Edouard pour faire régner la paix en Terre sainte s’était jusqu’ici
déroulé mieux qu’on n’eût pu le prévoir. Will savait également qu’il était
responsable de la sortie de prison de Garin. Après quatre ans de détention, le
chevalier avait soudainement été libéré trois jours plus tôt: Il était venu
trouver Will pour lui faire ses adieux avant de quitter la commanderie par la
porte des domestiques, pâle, faible et banni à jamais de l’ordre du Temple.
Quand Will avait demandé à Everard ce qui l’avait fait changer d’avis, le
prêtre lui avait répondu : notre Gardien. A ce qu’il semblait, lors de sa
visite des
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