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Le Lys Et La Pourpre

Le Lys Et La Pourpre

Titel: Le Lys Et La Pourpre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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gâter la bouche de ma monture. Elle est très sensible.
    Puisque nous nous séparions, j’entrepris alors de distribuer
les armes. J’attribuai deux pistolets à mon père, deux à moi-même et je me
préparais à en donner deux à La Barge quand mon père, me posant la main sur le
bras, me dit en anglais :
    —  The boy is not in a condition to
aim and fire [35] .
    Il avait raison, bien entendu, et je baillai les deux
dernières armes à Charpentier, non sans que La Barge me lançât un regard de
reproche à la fois si désolé et si puéril que je crus qu’il allait pleurer.
Bien qu’il ne sût pas l’anglais, le sens des paroles de mon père ne lui avait
pas échappé.
    Dès que Hörner donna le signal du partement, je me mis en
selle avec une joie qu’assurément mon père et Charpentier partageaient, tant
nous étions heureux d’échapper au carrosse – cette boîte qui, malgré les
renforcements de Lachaise, pouvait si facilement se transformer en cercueil
capitonné. Mieux valait affronter l’ennemi avec un beau cheval vigoureux et
vivant entre les jambes.
    J’hésitais à démonter pour confier un de mes pistolets à La
Barge, mais à l’instant où je débattais en moi si j’allais le faire, Hörner
donna le signal du partement, recommandant à ses hommes de ne parler point, et
le convoi quitta lentement Nainville pour gagner le Bois des Fontaines.
    Nous avions à peine franchi un quart de lieue quand un
incident survint qui confirma de la façon la plus saisissante ce que Hörner
avait prédit touchant les dispositions de l’adversaire. Un cavalier, venant
apparemment de Saint-Germain-sur-École, apparut en haut de la côte très pentue
que nos chevaux gravissaient au pas. Il galopait à notre encontre, ce qui n’eût
pas attiré mon attention, le grand chemin étant si fréquenté, si ledit
cavalier, dévalant vers nous à vive allure, n’avait tout soudain bridé son
cheval quand il approcha du carrosse. Cela fait, il envisagea fort curieusement
les armes d’Orbieu peintes sur sa porte. Cette curiosité éveilla mon attention
et d’autant plus qu’après l’avoir satisfaite, le cavalier tourna bride et nous
montrant sa croupe, prit la direction de Saint-Germain, éperonnant sa monture au
sang dans le dessein évident de dépasser notre convoi.
    La vérité se fit alors jour dans mon esprit. L’adversaire
avait dépêché l’homme en éclaireur, afin qu’il accertainât, en jetant un œil
sur le blason de mon carrosse, que c’était bien le comte d’Orbieu et non
quelque autre seigneur que sa bande allait dépêcher.
    Aussitôt, je me dressai sur ma selle et je hurlai en
allemand :
    —  Hörner, halten Sie mir diesen Reiter auf [36]  !
    Hörner cria un ordre en un allemand qui m’était déconnu –
probablement une des parladures de ses montagnes suisses – et aussitôt
avec une ordonnance parfaite et une émerveillable rapidité, un Suisse poussa sa
monture devant le cavalier, un autre le serra sur sa dextre, un troisième sur
sa gauche tandis qu’un quatrième derrière lui l’empêchait de reculer.
    Hörner cria au convoi de s’arrêter et quand j’arrivai sur le
lieu de l’arrestation, le cavalier était déjà lié à un arbre tandis qu’un de
nos soldats retenait son cheval.
    —  Was wollen Sie ihm tun ? dit Hörner.
    Et il ajouta aussitôt en français, estimant que, puisqu’il
était l’hôte du roi de France, il devait parler sa langue :
    — Monsieur le Comte, que voulez-vous faire de
lui ?
    — Le faire parler.
    — Ah ! dans ce cas, dit Hörner, et il chuchota à
l’oreille d’un de ses hommes qui partit en courant dans la direction de la
charrette.
    — Maraud, dis-je, tu vas me dire à quel endroit tes
amis ont dressé contre moi leur guet-apens.
    — Monsieur le Comte, dit le cavalier, je ne sais pas de
quoi vous parlez et je n’ai rien à vous répondre.
    — Mais si, mon ami. Par exemple, tu peux me dire
pourquoi tu sais que je suis Monsieur le Comte et tu vas me dire aussi qui a
donné l’ordre de cette embûche.
    — Monsieur le Comte, je ne sais rien de l’embûche que
vous dites.
    — Est-ce le roi qui a ordonné qu’on me tue ?
    — Presque.
    —  Presque  ? Tu dis presque  ?
Serait-ce donc Monsieur, parce qu’il se croit déjà presque roi ?
    L’homme s’aperçut alors qu’il en avait trop dit avec ce
« presque » qui trahissait tant de choses, et quelque question qu’on
lui posât ensuite, il se ferma

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