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Le Lys Et La Pourpre

Le Lys Et La Pourpre

Titel: Le Lys Et La Pourpre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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aussitôt d’aucuns des épineux, les
disposèrent derrière le carrosse et au travers du sentier pour défendre l’accès
du côté du grand chemin que nous venions de quitter. Il y avait peu à craindre
que nos montures s’égarassent dans le bois, tant en raison des basses branches
des arbres que des taillis.
    Dès qu’on eut ainsi établi notre camp, Hörner dépêcha en
éclaireurs deux de ses hommes par le bois de chaque côté du grand chemin pour
reconnaître les positions de l’adversaire. Avant qu’ils partissent, il leur
donna à chacun une forte brassée, leur assurant que tout le temps que durerait
leur absence, il prierait le Seigneur pour qu’ils ne fussent ni découverts ni
capturés. Il les suivit ensuite des yeux comme ils se faufilaient entre les
taillis. Ces deux Suisses, à la différence de leurs camarades, étaient petits,
légers, agiles, et c’était assurément en raison de cette conformation qu’on
leur confiait ces périlleuses missions de reconnaissance. Comme Hörner se
détournait, je pus voir des larmes dans ses yeux et j’en conclus qu’il n’était
pas, quoique rude, impiteux, à tout le moins pour les siens. De toutes les
attentes, celle-ci fut la pire, car il crevait les yeux que si l’adversaire
surprenait nos éclaireurs et les tourmentait, l’avantage de la surprise
disparaîtrait pour nous. Je m’en ouvris à Hörner à l’oreille, qui, à cette
occasion, me répéta sa phrase favorite :
    — On ne peut pas faire la guerre sans jeter beaucoup de
choses au hasard. Pour l’instant, on ne peut qu’espérer le retour de nos
éclaireurs. Mais s’ils ne sont pas de retour dans une heure, il faudra de toute
façon attaquer, ne serait-ce que pour ne pas laisser l’initiative à
l’adversaire.
    La chance nous sourit. Les éclaireurs revinrent sains et
saufs, très fêtés et caressés par leurs camarades, et les joues gonflées de
nouvelles rebiscoulantes. Les chevaux de l’adversaire étaient parqués et
attachés dans le bois des deux côtés du grand chemin. Nos éclaireurs avaient
été à quelque peine pour les compter, mais ils pensaient qu’ils étaient environ
une trentaine. Chose stupéfiante, ajoutèrent-ils, personne ne les gardait. Ni
sentinelle, ni valet, ni galapian, pas même un chien. Quant aux soldats
adverses, ils se trouvaient devant leurs chevaux à vingt toises environ sur le
bord du chemin et ils n’avaient pas davantage posé de sentinelle pour surveiller
leurs arrières, et nos éclaireurs purent s’approcher assez près d’eux sans
éveiller leur attention. Leur discipline était sehr schlecht [38] , dit un des Suisses avec quelque
dégoût : ils jouaient aux cartes, ils pétunaient, ils parlaient haut. De
toute évidence, ils avaient une telle fiance en la nasse qu’ils avaient tendue,
qu’ils pensaient que nous allions donner dedans à l’étourdie comme des
alouettes et, en conséquence, ils se gardaient mal. En fait, plus que mal :
ils ne se gardaient pas du tout.
    L’éclaireur à qui on avait confié le soin de reconnaître la
barricade avait réussi à en avoir des vues après un grand détour. Elle était
établie à l’endroit où le Bois des Fontaines cessait. Par bonheur pour cet
éclaireur, à l’orée de ce bois commençait un terrain fort marécageux dont les
hautes herbes lui avaient permis de voir sans être vu. La barricade était,
comme l’avait deviné Hörner, rudimentaire : deux charrettes, l’une à la
queue de l’autre et derrière elles une dizaine de soldats qui, comme les
autres, pétunaient, jouaient aux cartes ou dormaient, étant à la fois lassés de
leur longue attente et assurés de leur victoire.
    Hörner nous prit à part, mon père et moi, pour nous exposer
son plan.
    — Je compte, dit-il, diviser ma petite armée en trois
pelotons. L’un attaquera le côté dextre de la route, l’autre le côté senestre,
le troisième la barricade. Aucune de ces attaques ne se fera de face mais, bien
entendu, de revers. Voici comment je vois les choses. Le peloton numéro un,
s’engageant sur notre dextre, gagne d’abord l’endroit où les chevaux sont
parqués, coupe les attaches des chevaux. Cela fait, l’homme prenant ses
distances leur lance un pétard de guerre dans les jambes. Il ne fera qu’une
victime ou deux. Mais le reste des chevaux, affolés, se mettant à hennir, à
cabrer, à fuir et à tourner en rond, à cause des fourrés, la noise et la
cavalcade attireront les hommes alignés

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