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Le Lys Et La Pourpre

Le Lys Et La Pourpre

Titel: Le Lys Et La Pourpre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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leur présence. « Qui sait ? dit mon
père, nous serions nous-mêmes tout aussi pacifiques, si nous ne mangions que
des herbes. »
    À l’odeur qui flatta mes narines quand j’entrai dans
l’auberge, j’entendis bien que des poulets rôtissaient déjà à notre intention
et, poussant alors jusqu’à la cuisine, je les vis à la broche, sur deux
rangées, devant un âtre géantin. Il faisait là une chaleur du diable et,
retournant à la grand salle, je vis la belle aubergiste découper en tranches un
jambon pour apaiser le plus aigu de nos faims, avant l’arrivée des poulets.
C’était une grande femme d’une fraîcheur éclatante, les manches de son corps de
cotte retroussées jusqu’aux coudes et montrant de beaux bras rouges dont les
muscles apparaissaient quand elle pesait sur le couteau. Elle me parut tant
appétissante que son jambon, dont je croquai tout de gob une tranche sur du
pain qu’elle devait faire en son four et qui valait bien celui de Gonesse. De
mari, dans les alentours, pas le moindre. Mais sa veuve, à la voir, n’était
point tombée pour cela dans la mélancolie. Ses yeux suivirent Hörner quand il
entra dans la salle, et sans conteste, ce jour était faste pour elle :
tant d’écus allaient tomber dans son escarcelle et tant de beaux hommes, jeunes
et robustes, occupaient sa cour.
    En ayant fini avec les chevaux, les Suisses entrèrent à la
parfin dans la grand salle, se bousculant joyeusement à la porte, s’asseyant
sur les bancs et s’interpellant en allemand à vous faire éclater la cervelle.
J’invitai Hörner à s’attabler avec nous dans une petite pièce attenante, et
cette fois je noulus accepter ses courtois refus, arguant qu’il fallait que
nous débattions entre nous sur la deuxième partie de notre voyage.
    En prononçant ces paroles, je me sentis en mon for très
étonné d’avoir pris autant de plaisir à cette étape qu’à celle où je m’étais
arrêté entre Montfort et Paris. Et pourtant, à ce moment-là, je jouissais
innocemment de la vie, je ne savais pas encore que des scélérats méditaient de
me la prendre.
    Mais peut-être que le plaisir que je venais d’éprouver
n’était-il après tout qu’une façon de me distraire de ma déquiétude.
    — Capitaine, dis-je, je voudrais vous poser question.
Si j’en crois votre connaissance d’Ormoy et de son auberge, le grand chemin de
Paris à Fontainebleau n’a pas de secret pour vous.
    — Tel est bien le cas, Monsieur le Comte, dit Hörner de
sa voix basse et suave. Mes Suisses et moi, dans les dernières années, nous
avons souvent été loués pour escorter des seigneurs qui se rendaient à
Fontainebleau pour rejoindre la Cour, le roi étant à ses chasses dans la forêt.
    — Voici donc ma question. Si vous deviez embûcher un
carrosse et une escorte sur ladite route, où la placeriez-vous ?
    — À un endroit qui me permettrait de l’enfermer sur
trois côtés comme dans une nasse.
    — Et quelle sorte d’endroit serait-ce là ?
    — D’évidence, une portion de chemin qui traverse une
forêt. Il suffit alors de barrer le chemin par une barricade formée de deux
charrettes mises l’une derrière l’autre et de garnir de tireurs la barricade
bien sûr, mais aussi les deux côtés de la route.
    — Capitaine, est-ce la forêt de Fontainebleau que vous
avez en cervelle ?
    — Point du tout, Monsieur le Comte. La forêt de
Fontainebleau ne commence pas avant Fleury en Bière, mais bien une petite lieue
après qu’on l’a dépassée. La forêt que j’ai en vue est un simple bois qu’on
appelle le Bois des Fontaines et il est situé plus au nord, entre Nainville et
Saint-Germain-sur-École.
    — Cependant, à cette époque-ci de l’année, dit mon
père, les arbres ne sont pas encore très feuillus.
    — C’est vrai, mais le Bois des Fontaines n’a pas été
nettoyé de longue date et comporte des taillis et des fourrés. Ce qui fait
qu’il est touffu assez pour qu’à hauteur d’homme, on n’y voie pas à plus de
cinq toises.
    — Quelle distance y a-t-il entre Nainville et
Saint-Germain-sur-École ?
    — À peine une lieue.
    — Ce qui signifie, dis-je en envisageant le capitaine
d’un air interrogatif, qu’à un quart de lieue de Nainville, il faudra démonter,
cacher les montures, le carrosse et la charrette sous les arbres et cheminer à
pied dans le bois des deux côtés du chemin et tâcher de prendre l’adversaire à
revers ?
    — Cela

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