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Le Lys Et La Pourpre

Le Lys Et La Pourpre

Titel: Le Lys Et La Pourpre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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conviendrait assez bien, dit Hörner d’un air
dubitatif, mais nous serons peut-être amenés à modifier ce plan sur place,
selon ce que nous dicteront le terrain et la façon dont l’adversaire l’aura
utilisé. Car nous ne saurions jurer que l’adversaire a pris les dispositions
que je vous ai décrites. Par exemple, si le grand chemin que nous empruntons
passe par un endroit très encaissé, l’ennemi pourra se loger sur les talus qui
nous surplombent et, à notre passage, nous accabler d’en haut sous une violente
mousquetade sans même que nous puissions le voir…
    L’hypothèse ne me parut pas invraisemblable, quoiqu’elle ne
fut pas précisément de nature à me rebiscouler… Long, bien long me parut le
chemin jusqu’à Nainville, et tout aussi lourd, le silence dans le carrosse
cahotant. Mon père, les deux mains reposant sur ses genoux et la tête renversée
en arrière, paraissait hésiter entre la méditation et le sommeil. Charpentier,
que les déambulations la nuit en Paris (cachant sous son mantelet ses pistolets
chargés) avaient dû endurcir au danger, me semblait insouciant de tout ce que
l’avenir pourrait réserver de pire. En revanche, La Barge me parut mal en
point, la face pâle et chiffonnée, ne pipant mot, et pourtant fort agité sur
son siège. L’envisageant du coin de l’œil à son insu, et gardant le visage
froid et fermé, pour l’empêcher de babiller, ce qui eût mis mon père dans ses
fureurs, je me faisais néanmoins quelque souci pour lui pour ce que, ayant si
peu de jugeote dans l’ordinaire de la vie, je craignis qu’il ne la perdît tout
à plein à la première mousquetade.
    Quant à moi, ayant quelques éléments de vaillance en ma
nature – fort encouragés par mon éducation de gentilhomme, et aussi par
mon orgueil, qualifié de péché par mon confesseur, et où je puisais néanmoins
quelque force –, je me serais de mes propres mains pendu, si j’avais pu trahir
en présence de mon père la plus petite trace de couardise. Toutefois, après
avoir fait une courte prière, j’entrepris, pour fortifier mon courage, de me
répéter une phrase que Hörner répétait souvent et qui à chaque fois produisait
sur moi une forte impression : « On ne peut pas faire la guerre sans
jeter beaucoup de choses au hasard. » Je ne saurais dire combien cette
phrase, qui me hissait d’emblée au niveau des vétérans les plus aguerris, me
fit du bien, ni combien de fois je me la répétai in petto, car la
répétition m’endormit à la fin comme un loir.

 
CHAPITRE VII
    Les secousses que nous faisait subir le carrosse cessèrent
tout soudain, ce qui eut pour effet de me désommeiller. J’en étais à tâcher de
déclore les yeux quand, après un toquement à la porte du carrosse, la voix de
Hörner retentit.
    — Monsieur le Comte, nous sommes à Nainville et j’ai
fait halte devant la fontaine du village pour rafraîchir les chevaux.
    — Voilà qui va bien, dit mon père. Je vais rafraîchir ma
jument et, qui plus est, la monter. Je ne veux pas que cette petite paresseuse
s’habitue à ne plus m’avoir sur son dos.
    — Monsieur mon père, dis-je, je vais vous imiter. Ce
n’est pas que mon Accla soit nonchalante, c’est plutôt que je craindrais de le
devenir moi-même, si je continuais à m’alanguir sur ces coussins.
    — Monsieur le Comte, dit alors La Barge d’une voix
faible, plaise à vous de me permettre de demeurer dans le carrosse. Je ne me
sens pas dans mon assiette.
    À cela, mon père sourcilla prou, et pour éviter qu’il ne
tabustât derechef La Barge, je me hâtai de bailler à mon écuyer la permission
qu’il quérait de moi.
    — Monsieur l’Écuyer, dit alors Charpentier sur le ton
de la plus grande politesse, dès lors que vous demeurez céans, je serais
heureux que vous me permettiez de monter votre cheval. Moi aussi, j’ai besoin
de me dégourdir.
    — Mais, Monsieur, dit La Barge avec quelque hauteur,
montez-vous ?
    — Tout à fait bien, Monsieur l’Écuyer, dit Charpentier
avec un salut.
    Malgré cela, je vis bien que La Barge avait très envie de
refuser, car il hocha la tête à plusieurs reprises d’un air mal satisfait. Et
il se serait peut-être donné le plaisir de dire « non », s’il n’avait
senti sur lui le regard de mon père et le mien. Cette double pistolétade le
terrifia, il retomba dans sa lassitude et dit d’une voix faible :
    — Mais bien volontiers, Monsieur. Gardez-vous seulement
de

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