Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le Lys Et La Pourpre

Le Lys Et La Pourpre

Titel: Le Lys Et La Pourpre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
Vom Netzwerk:
yeux, mais ce fut fort bref, car
aussitôt elle baissa sur ses prunelles le rideau de ses paupières et son visage
reprit sa douceur accoutumée.
    — Monsieur, dit-elle en se levant, nous reprendrons cet
entretien demain et, en attendant, je vais vous laisser à votre repos.
    Je me levai aussi, mais au lieu de tirer vers la porte comme
il est normal quand on entend prendre congé, Madame de Candisse, tout le
rebours, lui tourna le dos et se dirigea vers moi. S’approchant à pas lents,
elle raccourcit peu à peu la distance qui la séparait de moi, à tel point que
nous ne fûmes bientôt plus qu’à un pied l’un de l’autre, ce qui me parut fort
étonnant pour deux personnes qui se connaissaient si peu et ce qui, aussi, ne
laissa pas de m’émouvoir. Ainsi placée, me touchant presque et levant les yeux
vers moi, elle me présentait, sans dire mot ni miette, un visage si tendre
qu’elle paraissait indiquer qu’elle serait pliable à mes volontés. Même alors
je ne bougeai pas, tenté assurément, mais ayant en elle si peu de fiance que je
me demandai si elle n’appelait un geste de ma part que pour me rebuffer.
    — Monsieur, dit-elle enfin, au cours de cet entretien,
vous m’avez montré tant de bonté et tant de patience que j’aimerais, au
départir, si vous n’y êtes pas tout à plein opposé, vous bailler un baiser
fraternel.
    Et sans attendre de réponse, se haussant sur la pointe des
pieds, me posant les deux mains sur les épaules et prenant appui sur moi de
toute la longueur de son corps, elle me bailla un baiser que ni l’heure, ni le
lieu, ni sa vêture ne pouvaient permettre de confondre avec celui d’un frère.
Je n’eus pas alors à prendre une décision. Mes bras, si je puis dire, la
prirent pour moi. Ils se refermèrent avec force sur elle. Je la portai sur le
lit où elle fit tout juste assez de résistance pour pouvoir dire le lendemain à
son confesseur qu’elle m’avait résisté.
    Madame de Candisse se révéla si exigeante dans ce qui nous
restait de nuit que je ne m’ensommeillai vraiment que le jour suivant dans le
carrosse qui m’emportait vers Durtal. Mais les mille cahots de ce chemin me
réveillaient parfois et je m’attardais à me ramentevoir ce qui s’était passé la
veille.
    L’événement me laissait béant. Parce que Madame de Candisse
était jeune et belle, j’avais eu de la peine à croire qu’elle était avare au
point de dissimuler ses richesses pour y ajouter. Et parce qu’elle était
dévote, et qui plus est intrigante et machinante, j’avais cru qu’elle ne se
donnait à moi que par calcul, pour faire de moi un instrument dans une
tractation qui me ragoûtait peu. Là aussi mon jugement m’avait failli ;
elle aimait les hommes.
    La dame disparut à la pique du jour, non sans emporter ma promesse
de parler de son affaire à Monsieur de Schomberg. Ce que je fis au château de
Nanteuil qui est, en fait, bien plus proche de La Flèche que d’Angers. C’est là
que Monsieur de Schomberg, comte de Nanteuil, soldat dans les armées du roi
comme son père et son grand-père avant lui, saxon par ses aïeux, français par
choix, adamantinement fidèle à son souverain, que ce fût Henri IV ou
Louis XIII, avait, du fait des calomnies des Brûlart de Sillery, passé ces
quelques mois d’exil qu’il croyait devoir durer des années.
    Il fut stupéfait de voir arriver chez lui un carrosse royal
entouré de vingt-cinq mousquetaires et crut d’abord qu’on l’allait arrêter.
Sans sortir du carrosse, je dépêchai La Barge lui porter la lettre de Sa
Majesté que m’avait remise le chancelier et, caché derrière le rideau de la
portière et le soulevant d’un doigt, je vis Schomberg debout sur le perron de
son château recevoir, blanc comme linge, la missive, l’ouvrir, la lire, ouvrir
de grands yeux, puis rougir et quasi chanceler de joie. Je sortis alors de mon
carrosse et montai vivement les marches vers lui. Il les descendit aussi vite
pour me rejoindre et dès que je fus à sa portée, il ouvrit grand les bras et me
serra contre lui à l’étouffade en criant d’une voix entrecoupée, tandis que les
larmes jaillissaient de ses yeux, grosses comme des pois :
    — Ah ! D’Orbieu ! D’Orbieu ! Je
n’oublierai jamais !
    — Comte, dis-je, en tâchant de desserrer quelque peu
l’étau de son étreinte, je ne suis que pour une part dans cet heureux
retournement. J’ai porté votre lettre. Le roi a diligenté l’enquête

Weitere Kostenlose Bücher