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Le Lys Et La Pourpre

Le Lys Et La Pourpre

Titel: Le Lys Et La Pourpre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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du
Parlement, le Parlement vous a blanchi, et c’est le cardinal qui a conseillé au
roi de vous rétablir dans votre charge.
    À ce moment, son épouse, la comtesse de Nanteuil, apparut en
haut des marches et, me lâchant, Schomberg se retourna et lui cria d’une voix
vibrante :
    — Madame, je suis en selle derechef ! Le roi m’a
rétabli ! Nous allons retourner au Louvre !
    Et montant vivement les marches, il lui donna une forte
brassée. Après quoi, avec la simplicité d’un bourgeois, il la baisa sur les
deux joues. Ces manières parurent chiffonner quelque peu la comtesse qui était
née La Rochefoucauld [5] , mais elle ne se dégagea pas. Le
monde entier rendait hommage à sa vertu et à la fidélité de son mari. Leur
union, plus solide qu’airain, durait depuis vingt-quatre ans et outre que
Schomberg l’aimait comme au premier jour et le laissait voir, il était fort
solide en sa piété et il ne lui serait pas même venu dedans l’esprit de désobéir
au décalogue en convoitant la femme de son voisin. Même les archicoquettes du
Louvre avaient renoncé à conquérir ce beau gentilhomme sur lequel leurs petites
griffes ne mordaient pas davantage que sur du granit.
    Comme le roi l’avait prédit, Schomberg me fêta de la façon
la plus extraordinaire, convoquant le ban et l’arrière-ban de la bonne noblesse
du lieu dans un festin grandiose, sans oublier les vingt-cinq mousquetaires de
Monsieur de Clérac à qui il fit aussi grande chère dans une autre salle de
château. Il fit mieux. Il alla le dernier soir leur porter une tostée, eut pour
eux des mots fort aimables et les remercia de s’être conduits chez lui en
gentilshommes et en chrétiens. Il ne sut jamais que j’avais pris la précaution
de dire à Monsieur de Clérac : « Mon ami, voulez-vous rappeler à nos
Gascons qu’ils aient à traiter les chambrières de Nanteuil comme nonnettes, car
je ne veux point céans de retroussis de moustaches, de poing sur la hanche et
d’œillade meurtrière. Monsieur de Schomberg le prendrait très mal. »
    Ce n’est que la veille de notre département que je pus avoir
un entretien au bec à bec avec Monsieur de Schomberg et lui confiai ce qu’il en
était de la requête de Madame de Candisse. Toutefois, je passai sous silence la
visite de la dame en camisole de nuit dans ma chambre et nos oraisons à deux
voix, et ce qui s’ensuivit, qui fut moins édifiant, jugeant qu’il s’agissait là
de sujets qui relevaient davantage de la compétence de mon confesseur que de
celle d’un surintendant des Finances.
    — Ah mon ami ! dit Schomberg en souriant, vous
faillîtes être victime de votre bon cœur en croyant épouser une noble
cause ! (Je rougis en mon for en oyant ce propos.) Mais cette fois,
poursuivit-il, bien à tort ! Madame de Candisse qui, chaque année, supplie
le roi de rétablir en sa faveur la pension de son mari, est plus grande
pleure-pain que pas une fille de bonne mère en France et Durtal n’étant qu’à
quelques lieues de La Flèche, je sais bien ce qu’il en est. Elle crie misère et
à chaque cri s’enrichit. Elle possède une bonne moitié des maisons de La Flèche
et le jour même, ou peu s’en faut, du décès de son mari, elle en a augmenté
sans vergogne les loyers. Elle vit dans une parcimonie qui n’a pas son pareil
chez les plus démunis de notre noblesse angevine. Elle n’invite jamais personne
à sa table, donne peu aux pauvres, quoique toujours avec ostentation, affame
pieusement son domestique, rejette tous les prétendants par peur qu’un mari ne
lui croque un jour ses écus. En bref, je prends la gageure que dans dix ans,
elle aura doublé sa fortune. Ce n’est pas moi, ajouta Schomberg en riant, à qui
le roi eût dû confier la surintendance des Finances. C’est à Madame de
Candisse !

 
CHAPITRE II
    — N’êtes-vous pas un peu dur, Monsieur, avec Madame de
Candisse ? Ne pensez-vous pas qu’elle a, en quelque manière, compensé la
pauvreté de la chère par la douceur du gîte ?
    — Ne vous y trompez pas, belle lectrice ! Dans
cette douceur, il y avait une sorte de contrat. Je l’ai rempli. J’ai parlé deux
fois en faveur de Madame de Candisse. Une première fois, vous en fûtes témoin,
à Monsieur de Schomberg : il en a ri. Une deuxième fois, à mon retour à
Paris, au roi lui-même. Il m’a rebuffé : « Je défends, m’a-t-il dit
avec la dernière roideur, qu’on me parle à nouveau de Madame de

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