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Le Lys Et La Pourpre

Le Lys Et La Pourpre

Titel: Le Lys Et La Pourpre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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d’un geste élégant de la main,
elle ajouta :
    — Voulez-vous m’accorder encore quelques instants :
j’aurais à vous parler d’une affaire qui me tient à cœur.
    — Madame, dis-je, mi-figue mi-raisin, je suis votre
serviteur et à vos ordres tout dévoué.
    — J’ai ouï dire, Monsieur, que vous avez été le seul de
toute la Cour à visiter Monsieur de Schomberg le jour de sa disgrâce, plaidant
même sa cause, à vos risques et périls, auprès du roi. Raison pour laquelle
Louis vous a dépêché à Monsieur de Schomberg pour le ramener en Paris et le
rétablir en sa charge.
    — C’est exact, Madame : on vous a fort bien informée.
    — Me tromperais-je en disant, Monsieur, qu’en raison de
votre noble attitude à son endroit, Monsieur de Schomberg vous a en grande
amitié et qu’il n’est rien qu’il ne ferait pour vous, maintenant qu’il est de
nouveau surintendant des Finances ?
    — Je ne sais, Madame, dis-je laconiquement : je
n’ai rien à lui demander.
    — Mais moi, dit Madame de Candisse avec toute
l’apparence de parler à l’étourdie, moi, j’ai beaucoup à quérir de lui et si
vous m’y autorisez je voudrais le faire par votre canal.
    — Madame, dis-je, tout prudence redevenu et comme
disait si bien mon père, une patte en avant et l’autre déjà sur le recul,
j’aimerais savoir de quoi il s’agit avant d’accepter votre mission.
    — Monsieur, reprit-elle, je passe pour riche mais,
hélas, la réalité est tout autre. Je suis ruinée. Mon défunt mari, assurément,
avait de grands biens, encore que son patrimoine se trouvât déjà bien diminué,
quand il mourut, du fait de ses extravagances. Mais l’écornement que ses folies
avaient creusé dans nos avoirs ne fut rien comparé aux pertes que provoqua mon
indifférence pour les biens de ce monde, quand je devins veuve. Tant est que
j’en arrivai enfin aux extrémités où je suis. Or, vous devez savoir, Monsieur,
que du vivant de mon mari, il recevait du roi une pension qui récompensait les
services qu’il avait rendus à Sa Majesté. Cette pension cessa, à sa mort,
d’être versée et c’est cette pension que je voudrais que le roi rétablît en ma
faveur, en tenant compte du malheureux prédicament où se trouve aujourd’hui la veuve
d’un de ses plus fidèles serviteurs…
    Ce discours, au moment où Madame de Candisse le prononça, me
donna furieusement à penser. Et de prime qu’il sentait la fausseté à dix
lieues. Une femme capable de congédier en un tournemain la moitié de son domestique,
comme elle avait fait après la mort de son mari, n’était point, comme elle le
prétendait, aveugle à ses intérêts, mais les ménageait, tout le rebours, avec
beaucoup de soin et d’épargne. En témoignaient de reste le petit train qu’on
remarquait en cette maison, la chicheté de la chère, le peu de dépense qu’on y
faisait pour redorer le luxe, et cette demande même de pension qu’elle osait
faire en plaidant la pauvreté, une pauvreté dont elle se donnait les apparences
et que je décroyais.
    À mon sentiment, il n’y avait pas là dénuement, mais
ladrerie et insatiableté. Et voilà découverte, m’apensai-je, la raison pour
laquelle la dame m’avait offert son hospitalité, y ajoutant même la captatio
benevolentiae [4] de cette oraison à
deux voix dans ma chambre : elle voulait que je devinsse son truchement
dans un barguin difficile avec Monsieur de Schomberg.
    Agité par ces pensées dont la dernière était la moins
plaisante, je demeurai si longtemps silencieux que Madame de Candisse donna
quelques signes d’émeuvement et finit par me dire, avec un air de dignité qui
ne me parut pas de fort bon aloi :
    — Monsieur, si cette mission auprès de Monsieur de
Schomberg froisse en quoi que ce soit votre conscience, le ciel m’est témoin
que je préférerais renoncer à ma requête plutôt que de blesser votre
délicatesse.
    — Nenni, Madame, dis-je promptement, cette démarche ne
gêne en rien ma conscience, mais j’y vois, cependant, quelque petite
difficulté. La nuit est de bon conseil, dit-on, et elle me permettra sans doute
de les résoudre. Je pourrai donc vous dire, au matin, ce que j’aurai décidé.
    Ce retardement ne laissa pas de déconcerter Madame de
Candisse car elle pensait sans doute enlever la place à la faveur de nos
oraisons – piété et intimité se mêlant. Et la même lueur, à tout prendre
fort peu évangélique, passa dans ses beaux

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