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Le Lys Et La Pourpre

Le Lys Et La Pourpre

Titel: Le Lys Et La Pourpre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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Belle lectrice, qu’êtes-vous
apensée de ce beau coup des Espagnols ?
    — Qu’il est machiavélique.
    — J’oserais même dire, Madame, qu’il est diabolique,
s’il ne s’agissait pas du Saint-Siège. Comment le pape pourrait-il abandonner
les forts qui, dans son esprit, défendent les Valtelins catholiques contre les
Grisons protestants ? Et Louis, le roi très chrétien, osera-t-il jamais
les lui reprendre, les armes à la main ?
    — Et le fit-il, Monsieur ?
    — Oui, Madame, il l’osa, lui, Louis le Pieux ! Et,
chose véritablement inouïe, avec le plein accord et sur le conseil du cardinal
de Richelieu. Louis dépêcha en Italie une armée commandée par le marquis de
Cœuvres, lequel chassa de la Valteline les soldats du pape et remit la vallée
aux Grisons.
    — J’imagine, Monsieur, que si « les véritables
Français » dont vous faites partie s’en réjouirent, le scandale fut grand
en France dans le parti dévot ?
    — Pis que cela ! La haine, Madame, la haine !
Ouvertement contre Richelieu, souterrainement contre le roi, la haine – la
pire de toutes : celle des dévots – trouva là sa racine, s’exprimant
de prime par des pamphlets injurieux et furieux et ensuite par des complots qui
visaient à l’assassinat du cardinal et à la déposition du roi.
     
    *
    * *
     
    À mon retour de Durtal où j’avais été quérir Monsieur de
Schomberg, je m’arrêtai à Orbieu, mais je ne pus fêter le surintendant autant
et aussi longtemps que je l’eusse voulu, car je trouvai, à mon advenue, une
lettre de Sa Majesté m’ordonnant de le lui amener « sans tant
languir », en son château de Saint-Germain-en-Laye pour la raison qu’Elle
le voulait rétablir, « dans sa charge », dès que possible. Je ne fus
donc en ma seigneurie qu’une soirée et une nuit, ce qui désola fort, quoique
pour des raisons différentes, Louison et Monsieur de Saint-Clair.
    Celui-ci me fit promettre de revenir à Orbieu à tout le
moins en automne, ayant tant de questions à régler avec moi pour le ménage de
mon domaine, lesquelles touchaient aux vendanges et aussi à la vente de notre
blé, au croit du bétail [6] et au
rouissage et teillage du lin de nos manants. Quant à Louison qui, en mon
absence, vivait en perpétuelle suspicion de mon infidélité – en quoi, pour
une fois, elle ne se trompait guère –, elle me posa des questions à
l’infini sur les gîtes de mon voyage, auxquelles, m’étant tout d’abord assuré
de la discrétion de La Barge, je répondis avec une prudence qui ne laissa pas,
à la réflexion, de me donner quelque vergogne. J’eusse mille fois préféré lui
dire tout de gob que je l’aimais au moins aussi fort que je désaimais Madame de
Candisse, mais bien sait le lecteur qu’aucune femme au monde n’est susceptible
de trouver dans ce genre de propos la moindre consolation.
    Notre partement se fit dans ma chambre, à la pique du jour,
car je voulais voyager à la fraîche, au moins en partie, le soleil étant
torride dès qu’il se levait. Louison versa des larmes, mais j’adoucis son
chagrin par le présent que je lui fis d’un petit pendentif en or dont chaque
chaînette était terminée par une perle. J’avais acheté ce présent sur le chemin
du retour, et Louison ne s’y attendait pas, car il était hors des occasions où
j’étais accoutumé à la cajoler : sa fête patronymique, son anniversaire et
Noël. Elle en fut troublée et d’autant plus tendre en sa gratitude, ce qui me
piqua derechef de quelque mésaise, car je m’en avisai alors : c’était bien
pour racheter « le tort » que je lui avais fait que j’avais acheté ce
bijou au Mans.
    Cette unique nuit à Orbieu avec Louison, peut-être parce qu’elle
fut la seule, me laissa une impression si vive qu’à peine à Paris et retrouvant
mon appartement du Louvre, je ruminais déjà le projet de retourner à Orbieu. Je
fis quelques approches en ce sens à Louis, mais sur la pointe des pieds et du
bout de la langue, car je sentis au premier mot qu’il ne fallait pas aller plus
loin, tant il se montra sec et rebuffant. Et je ne retournai, en fait, à Orbieu
qu’un mois et demi plus tard, après que j’eus reçu une lettre très pressante de
Monsieur de Saint-Clair me disant que le raisin était mûr pour la vendange et
qu’il ne fallait plus tarder, vu qu’aucun manant en mon domaine ne pouvait
cueillir le sien avant que j’en donnasse le signal dans mes propres

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