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Le Lys Et La Pourpre

Le Lys Et La Pourpre

Titel: Le Lys Et La Pourpre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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prix.
    — Mais comment savez-vous cela ? dis-je béant. Moi
qui vis à la Cour, et assez proche du cardinal, je l’ignorais.
    — Il n’y a pas de miracle pour un armateur à savoir ce qui
se passe dans les chantiers bretons ou normands, dit Olivier. Les nouvelles
courent vite d’un port à l’autre et les marins ne pensent, ne parlent, ne
mâchent et ne rêvent que bateaux : bateaux coulés, échoués, désarmés,
réarmés, construits ou achevés et vous pensez si les marins désoccupés dressent
l’oreille quand ils oient que le cardinal s’est donné pour but l’achat ou la
construction de quarante vaisseaux pour le Ponant, et pour le Levant de dix
vaisseaux et de quarante galères.
    — Pourquoi tant de galères en mer Méditerrane ?
    — Parce que, dit Pierre, dans cette mer-là, il arrive
assez souvent que le vent refuse et que le bateau s’encalmine. L’aviron
l’emporte alors sur la voile et pour combattre les galères barbaresques qui
pillent les côtes de Provence, il faut des galères françaises et rien d’autre.
    — Quant à vous, dis-je, au bout d’un moment,
aimeriez-vous encore augmenter votre flotte ?
    À cette question qu’ils jugeaient sans doute naïve, mes deux
frères s’entreregardèrent et échangèrent un sourire.
    — Quel armateur, dit Pierre, ne serait pas charmé
d’agrandir sa flotte ? Mais ce jour d’hui, ce n’est guère opportun.
L’Angleterre encourage les protestants de La Rochelle à se rebeller contre
Louis et si elle y parvient, il est probable qu’elle enverra une Invincible
Armada [65] de son cru à la fois
pour soutenir La Rochelle et pour prendre pied sur son sol. C’est pourquoi,
dans les mois qui viennent, nous n’aurons qu’un seul bateau en mer :
celui-ci précisément qui doit appareiller demain pour la Nouvelle France. Et
soyez bien assuré que, malgré les tempêtes, il sera plus en sûreté au milieu de
l’océan qu’en cabotant le long de nos côtes, étant donné les circonstances.
Quant aux deux autres bâtiments, ils resteront bien sagement amarrés dans le
port de Nantes jusqu’à la fin du chamaillis.
    Notre dîner depuis belle heurette achevé et mon gaster
rempli, ma curiosité, elle, n’était pas encore rassasiée, tant je trouvais
d’intérêt à ces propos. Et j’eusse continué à poser des questions, si un marin
n’était venu dire à mes frères que la cargaison était en totalité embarquée et
arrimée et qu’ils voulussent bien l’inspecter avant la fermeture des cales.
Avec mille excuses de me quitter et mille promesses de me revoir bientôt et je
ne sais combien de fortes brassées, les Messieurs de Siorac, comme on les
appelait à Nantes, prirent congé de moi et moi d’eux et non sans quelque
émeuvement des deux parts. Je redescendis fort songeur l’échelle de coupée en
faisant en mon for les vœux les plus ardents pour que La Sirène parvienne saine, sauve et gaillarde à Québec et s’en revienne de même en son
repaire breton.
     
    *
    * *
     
    Dès que je fus de retour au château, j’allai voir le roi à
qui j’avais demandé congé le matin même pour visiter mes frères. Je le trouvai
en train de dessiner un château, se peut le château qu’il eût aimé bâtir, mais
qu’il ne construirait jamais, n’ayant point l’ombre d’une vanité et étant fort
épargneur des deniers de l’État quand il ne s’agissait que de lui-même. Je me
ramentus, à le voir ainsi occupé, le dessin qu’il avait fait du châtelet
d’entrée qu’il m’avait conseillé de construire à Orbieu. J’avais de prime fait
copier ce dessin pour remettre cette copie au maître d’œuvre des maçons d’Orbieu,
ne voulant pas me dessaisir de l’original que j’avais mis aussitôt sous verre
et encadré, étant plus enchanté de lui que d’un diamant de prix.
    Tout en dessinant avec beaucoup d’adresse ce château de ses
songes, Louis me demanda ce qu’il en était de mon entrevue avec mes frères.
Craignant de l’ennuyer ou de le troubler dans son travail, je lui répondis de
prime de façon succincte, mais dès les premiers mots, son intérêt s’éveilla et
il me pressa de questions, tant est qu’à la fin, je lui en fis de long en long
ma râtelée.
    Mon conte fini, Louis resta un instant silencieux, puis
relevant la tête, son crayon désoccupé pendant au bout de son bras, il dit non
sans quelque véhémence :
    — Ah que voilà de sages et vaillants
gentilshommes ! Tous les jours que Dieu

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