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Le Lys Et La Pourpre

Le Lys Et La Pourpre

Titel: Le Lys Et La Pourpre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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l’infini sur mon père, sur La Surie, « leur voisin du Chêne
Rogneux », mais qu’ils ne voyaient pas plus souvent que mon père ;
sur moi-même enfin, sur l’embûche de Fleury en Bière que j’avais déjouée et
dont le bruit était venu jusqu’à eux.
    À cela, je répondis en tâchant de les contenter du mieux que
je pus, longuement sur notre père, sobrement sur La Surie et sur moi. Ces
sujets épuisés, un silence survint et j’en profitai pour leur poser sur leur
grande aventure de mer les questions qui me gonflaient les joues, encore que
dans la chaleur si bienvenue et si inattendue de notre encontre, j’eusse
quelque peu oublié l’objet de ma visite.
    — Voici l’histoire, dit Pierre, lequel était le plus
disert des deux frères, encore qu’Olivier jouât lui aussi fort bien du plat de
la langue quand le cœur lui disait : lorsque survint ce grand estrangement
entre nos parents, notre père ne vint plus au Chêne Rogneux que pour les
semailles et les moissons et confia le ménage du domaine à notre frère aîné,
Philippe, lequel, de toute manière, devait hériter et le titre et les biens. Il
dota ensuite du mieux qu’il pût ses filles qui, mariées, suivirent leurs maris,
qui en Provence, qui en Languedoc. Il bailla enfin à chacun de ses cadets un
pécule qui leur permit d’acheter une terre qui pût les rendre à sa mort indépendants,
au lieu que de demeurer auprès de leur frère aîné sans rien qui fût à eux.
    — Ce n’est pas à dire, ajouta vivement Olivier, que
nous ayons eu jamais maille à partir avec Philippe. C’est le meilleur des
hommes et à ses cadets très affectionné.
    — Cependant, dit Pierre, reprenant le dé aussitôt,
l’idée d’acheter chacun une petite seigneurie ne nous souriait guère, ni même
d’en acquérir une plus grande à nous deux. Nous avons vécu au Chêne Rogneux en
nos enfances et vertes années, mais maugré notre amour pour la maison natale,
nous avions peu de goût pour les travaux des champs qui vous enrichissent une
année et, l’année suivante, vous ruinent et qui surtout vous clouent en
mortelle monotonie en même coin de glèbe jusqu’à la fin des temps.
    — Et aussi, reprit Olivier, nous étions remuants,
curieux des mers et des pays et désireux par-dessus tout de bâtir une fortune
qui nous élevât dans le monde. Et après un voyage à Nantes qui nous enchanta,
nous optâmes pour le commerce maritime, le seul commerce, avec le soufflage du
verre, qui fût permis à un gentilhomme. Nous prîmes donc un petit logis à
Nantes et nous achetâmes, avec nos deux pécules, un bateau de moyen tonnage
dont nous étions tous deux raffolés, si raffolés que nous l’appelâmes La
Belle Nantaise. Elle avait un nom de femme et qui fut bien choisi, car elle
nous coûta prou en achat, en aménagement et en maintenance. Quand nous prîmes
la mer avec un capitaine breton que nous avions engagé, c’est à peine s’il nous
restait des pécunes assez pour acheter les marchandises que nous comptions
revendre. Et le plus dur restait à faire. Il fallait apprendre notre double
métier : la conduite du bateau en mer et, à terre, le barguin.
    — Il nous fallut deux ans, dit Pierre, et au début de la
troisième année, nous faillîmes tout perdre, le bateau, l’équipage et nos vies,
étant poursuivis par un pirate anglais qui nous aurait infailliblement abordés,
dépouillés et coulés, si nous n’avions eu la chance, dans la violente
mousqueterie qui éclata à faible distance, de tuer leur capitaine. Or, les
Anglais ont des marins disciplinés et un bon commandement, mais quand on tue
leur capitaine, on dirait qu’ils sont démâtés : ils perdent toute
initiative. C’est ainsi que nous réussîmes à nous mettre à la fuite. Mais ce
fût une bonne leçon. Avec tout ce nous avions gagné avec deux ans de commerce,
nous achetâmes des canons et une flûte hollandaise. C’était une beauté et pour
cette raison, nous l’appelâmes Le Triton.
    —  Nous y voilà ! m’écriai-je. Une
flûte ! Je vais enfin savoir ce qu’est une flûte et en quoi elle diffère
d’un galion !
    — Le galion, reprit Olivier avec un sourire, est une
construction espagnole. C’est lui aussi un trois-mâts, mais sa forme est
beaucoup plus massive que celle de la flûte. Elle comporte à la poupe un
château, élevé parfois de deux étages, pour le logement du capitaine et un
château plus petit à la proue pour loger les marins. Le

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