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Le Lys Et La Pourpre

Le Lys Et La Pourpre

Titel: Le Lys Et La Pourpre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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dites ?
    — Celui que vous appelez Bouquingan.
    — Alors, prononcez donc Bouquingan comme tout le monde.
Ce n’est pas de la faute de ces pauvres Anglais, s’ils ont des noms
imprononçables.
    — Vous avez bien raison, Madame, dis-je avec un
sourire. Ils sont bien à plaindre d’avoir des noms à eux, au lieu d’avoir des
noms à nous. Ceci dit, sur les mœurs de Bouquingan, je suis muet.
    — Madame, dit Louise-Marguerite, je vous l’avais dit,
vous ne tirerez rien, ce que j’appelle rien, du plus chéri de vos fils. Il est
premier gentilhomme de la chambre, il est membre du Conseil, il voit le roi et
le cardinal tous les jours, il est là quand ils délibèrent, mais en fait, il ne
voit rien, il n’oit rien, il ne dit miette, il est plus boutonné que fossoyeur
et plus muet que tombe.
    — Pierre-Emmanuel, dit Madame de Guise, les mœurs de
Bouquingan sont-elles un secret d’État ?
    — Madame, devrais-je, placé où je suis, babiller à tout
va ? Et comment savoir où commence et où finit un secret d’État ? Les
gestes les plus insignifiants, les intrigues les plus mesquines peuvent
déboucher sur des affaires susceptibles de mettre en danger l’État. Ainsi,
quand, dans la nuit que vous savez, il est entré dans la tête folle de Marie de
Chevreuse de prendre la reine par le bras pour la faire traverser en courant la
grande galerie du Louvre, ce n’était qu’un enfantillage. Mais la reine, qui
était enceinte et qui n’aurait dû ni courir, ni même marcher, ayant subi une
première fausse-couche, trébucha, tomba, poussa un cri de douleur et perdit une
deuxième fois son fruit…
    — Le crime était petit de la faire courir, dit
Louise-Marguerite.
    — Mais la conséquence en fut criminelle, dis-je, très à
la chaude. Louis perdit l’espoir d’un dauphin qui lui serait ce jour d’hui un
précieux rempart contre les intrigues pour sa succession.
    — Cela est vrai, dit Madame de Guise, mais Louis ne
fût-il pas un peu dur pour Marie en lui ôtant à la fois son appartement du
Louvre et sa charge de surintendante de la Maison de la reine ?
    — Bah ! dit Louise-Marguerite, petite punition,
puisque Marie réussit à se faire épouser par notre grande benêt de Chevreuse et
que Louis la rétablit aussitôt dans sa charge et son appartement.
    — Il ferait beau voir, dit Madame de Guise, haussant
haut la crête, qu’il ne l’eût pas fait, Marie devenant Guise en épousant
Chevreuse ! Aucun roi de France ne pouvait faire cette écorne à ma maison…
    — Mais puisque justement la punition était levée,
dis-je, pourquoi Marie s’est-elle tant encharnée contre Louis, machinant cette
sotte, puérile et dangereuse intrigue dont le but était de faire en sorte
qu’Anne d’Autriche tombât amoureuse de votre Bouquingan qu’elle n’avait encore
jamais vu ? Ramentez-vous, de grâce ! On lui parlait de lui sans
cesse. On lui montrait des portraits. On vantait sa beauté virile.
    — Je ne sais, à vrai dire, qui a conçu l’idée de cette
nigauderie, dit ma demi-sœur : Marie ou Lord Holland, avec qui déjà elle
coqueliquait, Bouquingan étant le grand et intime ami de Lord Holland.
    — Ah ! Je n’aime pas cela ! s’écria Madame de
Guise. Ces amitiés entre hommes me puent !
    — Ma mère ! Que dites-vous là ! C’est langage
de crocheteur ! dit Louise-Marguerite.
    — Ma fille, dit Madame de Guise en rougissant et quasi
rugissant en son ire, je parle comme je sens : franc et brusque. Et si
vous n’aimez pas ce langage, allez faire, de grâce, votre renchérie dans la
ruelle de Madame de Rambouillet, et ne vous rabaissez plus à dîner avec moi.
    La béquetade fut vive et brutale, mais ne dura qu’un
battement de cils, car, aussitôt, la pauvre béquetée se soumit. Les deux femmes
s’adoraient, il me semble l’avoir dit déjà, partageant souvent le même lit, et
étant toutes deux grandes habilleuses, s’entretenaient pendant des heures
derrière les courtines, se disant tout. Et il y avait beaucoup à dire, l’une et
l’autre ayant croqué la vie à dents aiguës.
    — Madame ma mère, dit la princesse de Conti en baissant
le front, ce n’était qu’une petite gausserie et je vous supplie très humblement
de me la pardonner.
    — Mais comment ne pas pardonner ce petit péché au
« Péché » ? dit ma bonne marraine avec un sourire.
    Sur cette saillie, nous rîmes. Les plumes ébouriffées se
remirent en place et le chérubin de

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