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Le Lys Et La Pourpre

Le Lys Et La Pourpre

Titel: Le Lys Et La Pourpre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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sans doute le
beau château fortifié qu’il avait construit en terre de ses mains à l’âge de
dix ans dans le parc de Plessis-lès-Tours) qu’avant de me le tendre, il le
signa de son prénom comme un acte royal. Je le reçus, transporté d’aise.
    — Un grand merci, Sire, dis-je, je vais y songer.
    — N’y songez pas, Siorac, dit-il gravement, faites-le.
Il en va d’un petit domaine comme d’un grand royaume. Il ne faut pas plaindre
sa peine, ni son temps, ni ses pécunes, pour le remparer contre les méchants.
    Le lendemain soir, couchant en l’hôtel du marquis de Siorac
en la rue du Champ Fleuri et soupant à sa table, je tirai le croquis royal d’un
portefeuille en cuir que j’avais acheté tout spécialement pour l’y mettre et le
montrai à mon père et à La Surie.
    — Eh bien, Monsieur mon père, dis-je, qu’en
pensez-vous ?
    — Vertudieu, dit mon père, un croquis de la main du
roi ! Et signé ! J’en pense que c’est déjà un cadeau des Dieux que ce
croquis-là ! Il passera de main en main dans votre lignée, mon fils, pour
l’émerveillement de vos enfants et de vos petits-enfants, si toutefois,
ajouta-t-il avec un sourire, vous consentez un jour à vous marier.
    — Mais j’y compte bien, dis-je avec un sourire. J’ai, à
Paris, l’hôtel de la rue des Bourbons que j’ai acheté à Madame de Lichtenberg
et j’ai mon domaine d’Orbieu. Il n’y manque que le choix de la belle.
Chevalier, votre opinion sur ce croquis ?
    — Cela dépend, dit La Surie.
    — Et de quoi cela dépend-il ?
    — De l’usance que vous en ferez.
    — Et quelle usance voudriez-vous que j’en fasse ?
Vous-même, à ma place…
    — Je l’encadrerais sur du velours et dans les ors, le
protégerais d’un verre épais et le suspendrais aux yeux de tous au-dessus de la
plus monumentale de mes cheminées.
    — Miroul, si j’entends bien tes paroles, dit mon père
avec un sourire, elles vont bien au-delà de ce qu’elles disent.
    — Je vous le concède bien volontiers, dit La Surie en
envisageant le marquis de Siorac de ses yeux vairons, chacun avec une
expression différente : le marron avec affection et le bleu avec malice.
    — Je vous entends, moi aussi, dis-je avec un sourire.
Si vous étiez à ma place, vous ne mettriez pas la main à la truelle pour
construire à Orbieu ce châtelet d’entrée.
    — Il y a deux choses à considérer, dit le chevalier de
La Surie : la sûreté et la dépense. La sûreté en serait fort bonne, en
effet, pour vos manants et pour vous, mais la dépense est énormissime…
    — Cependant, dis-je, n’ai-je pas reçu un ordre du
roi ? « N’y songez pas, Siorac, faites-le ! » a-t-il dit.
    — Ce n’est pas un ordre, dit mon père, c’est un
conseil. Le roi n’est censé vous donner un ordre que quand il délie sa bourse
pour vous donner les moyens d’exécuter son commandement.
    — Cependant, dis-je, le danger n’est que trop réel.
Sans châtelet d’entrée, je ne serai jamais à l’abri d’une surprise. Quelle
humiliation que de se trouver tout soudain au mitan de mes champs, affronté aux
pistolets de ces infâmes reîtres ! Et vais-je toujours trembler en mes
nuits et mes jours qu’on me détruise à l’improviste mon domaine, mes manants,
ma maison et celle des miens ? Quelle est la politique du roi ?
Mettre son royaume à l’abri des intrigues des Grands, des huguenots et de la
Maison d’Autriche. Bien que mes ennemis à moi ne soient que gens vils et de
corde, ils me sont tout autant redoutables.
    — Il reste qu’un châtelet d’entrée serait ruineux, dit
mon père. Mais, Pierre-Emmanuel, reprit-il après un moment de réflexion, après
tout, vous n’êtes pas pauvre…
    Là-dessus, Franz toqua à l’huis et sur l’entrant que lui
bailla mon père, il apparut et me remit un billet qu’un petit vas-y-dire venait
d’apporter pour moi. Trouvant, à le déclore, qu’il me venait de la duchesse de
Guise dont le lecteur connaît les liens avec mon père, je le lus à voix
haute :
     
    « Mon fieul,
    « Vené diné demin au beque à
beque on zeur avec moi et Louise-Marguerite.
    « Catherine de
Guise. »
     
    — Cela fait trois becs, dit le marquis de Siorac, dont
deux féminins. Vous aurez peu à dire…
    — Voire mais, Monsieur mon père ! Il y aura à coup
sûr des questions insidieuses auxquelles j’aurai à répondre avec… comment
dites-vous, Monsieur mon père, à

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