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Le Lys Et La Pourpre

Le Lys Et La Pourpre

Titel: Le Lys Et La Pourpre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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l’accoutumée ?
    — « Une patte en avant et l’autre déjà sur le
recul. »
    À quoi nous rîmes à gueule bec, non que la gausserie fût
neuve, mais parce que nous étions heureux d’être ensemble tous les trois et de
la répéter.
    Ma bonne marraine, la duchesse douairière de Guise –
épouse peu fidèle du balafré, fondateur de la Sainte Ligue qui fût mis à mort
par les Quarante-Cinq au château de Blois sur l’ordre d’Henri III –,
était née en 1553. Au moment de ce « dîner aux trois becs », comme l’appela
mon père, elle avait soixante-douze ans, âge sans aucun rapport avec la verdeur
dont elle se paonnait. Vous l’eussiez blessée au plus vif si vous aviez dit,
comme Bassompierre, qu’elle paraissait dix ans de moins. « Dix ans !
Comte ! Dix ans de moins ! le rebuffa-t-elle avec indignation, c’est
trente ans que vous vouliez dire : votre langue vous aura fourché. »
    Et de fait, elle avait encore une peau des plus lisses, sans
tavelures ni mouchetures, point de poches sous l’œil, point de fanons au cou,
les dents intactes, la prunelle jeune et pétillante, le cheveu fort abondant,
blond avec un peu d’aide, mais bouclé à ravir. La vivacité de ses mouvements,
son ébulliente gaîté et la franchise de ses propos ajoutaient encore à
l’impression d’indestructible jeunesse qu’elle donnait. Et en effet, quelle
robustesse de corps et quelle force d’âme lui avait-il fallu pour survivre à
onze de ses enfants, les seuls qui fussent encore en vie étant le petit duc
sans nez, le duc de Chevreuse, la princesse de Conti et moi-même.
    Louise-Marguerite, sa fille et ma demi-sœur, veuve du prince
de Conti, mariée secrètement à Bassompierre (pour ne point perdre ce titre de
princesse dont elle était raffolée), n’avait été fidèle à aucun mari. Mais à la
différence de sa mère, elle ne s’attachait point, ouvrant son pistil à tout
insecte et pâtissant prou en son for d’avoir atteint l’âge de trente-sept ans
et d’autant que sa grande rivale – en beauté et dans l’amitié de la
reine –, sa belle-sœur, Madame de Chevreuse, veuve de Luynes, avait
l’impertinence d’avoir douze ans de moins qu’elle.
    Cependant, telle qu’elle m’apparut ce jour-là, je trouvai la
princesse de Conti furieusement belle et fort magnifiquement attifurée.
    De petites bouclettes blondes ornaient le haut de son front
et tombaient gracieusement le long de ses joues, rejointes et recouvertes sur
les côtés et sur le derrière de la tête par une masse fort serrée de perles du
plus bel orient, lesquelles, enfilées sur des fils invisibles, étaient fixées à
un bandeau de velours noir qui, passant sur le haut du crâne, devait être
attaché sous la nuque. Le cou, fort gracieux et délicat, était souligné par un
collier de perles à un seul rang. Mais, comme pour faire rougir cette sobriété,
trois rangs de perles décoraient le décolleté placé si bas que le sillon entre
les deux tétins eût été visible sans un grand cabochon d’une douzaine de perles
qui le masquaient tout en le soulignant. Pour la symétrie, deux autres
cabochons étaient placés sur le gras des épaules. À partir de là, tout se simplifiait.
Une seule rangée de perles descendait le long du ventre et deux autres rangées
partant des hanches venaient rejoindre le premier au niveau du pubis dans un
dessin géographique des plus éloquents. La robe était de satin rose brodé de
fils d’or et quoique fort proche du corps jusqu’au dessin que je viens de dire,
s’évasait majestueusement en un vertugadin dont l’ampleur témoignait de
l’importance quasi sacrée des membres qu’ils dérobaient aux regards.
    Cette idole avait, Dieu merci, des yeux qui ne se
contentaient pas de leur beauté, car ils étaient vifs, gais, malicieux,
scintillants d’esprit et, sous le nez parfait, la bouche paraissait à la fois
pleine et fine et aussi propre aux boutades qu’aux baisers. Guise par son père,
Bourbon par sa mère et son premier mariage, telle m’apparut ce jour-là cette
haute dame de cour à qui Louis avait donné un surnom dont elle ne se laissait
pas de se flatter : il l’appelait « le péché ».
    — Madame ma mère, dit-elle en voyant que Madame de
Guise ne mettait pas fin à mes baisers tant elle était attendrézie, pensez-vous
que mes frères Guise et Chevreuse seraient bien charmés de se voir si
effrontément préférer mon petit cousin ?
    Ne voulant pas

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