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Le Lys Et La Pourpre

Le Lys Et La Pourpre

Titel: Le Lys Et La Pourpre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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embarquer pour Londres
sous la garde de Buckingham.
    Toutefois, sur le chemin, l’immense cortège (presque toute
la Cour l’accompagnait) s’arrêta un peu plus longtemps à Amiens qu’il n’était
prévu, la reine-mère se trouvant mal allante et devant garder le lit. Et ce qui
se passa à Amiens, et qui fut la fable de l’Europe, c’est ce que je vais
maintenant conter.
     
    *
    * *
     
    Je noulus accompagner la Cour en ce voyage, ne trouvant ni
liesse ni soulas en ces longues et lourdes pérégrinations où on avalait tant de
poussière sur les chemins poudreux et où il était si malcommode aux étapes de
trouver un gîte et moins encore des viandes, vu le nombre incroyable de gens
qui s’abattaient comme sauterelles sur des villes petites et mangeaient tout.
    Au lieu de cela, je quis et obtins du roi la permission de
me rendre à Orbieu où je voulais voir où en était la maturité des blés que nous
avions semés en octobre de l’année précédente et étudier aussi – mais je
n’en dis rien encore à Sa Majesté – l’emplacement où je pourrais bâtir un
châtelet d’entrée et des murs qui mettraient le domaine à couvert des attaques
par surprise, l’affaire des reîtres me pesant encore sur le cœur. Il va sans dire
que je voulais aussi supputer le coût de cette entreprise car, bien que je ne
sois pas pauvre, comme avait dit mon père (avec un soupçon de gausserie), je ne
laisse pas d’être ménager de mes deniers. Toutefois, que je le dise enfin, je
n’étais pas indifférent non plus à la pompe et à l’élégance qu’une telle
bâtisse donnerait à mon petit royaume.
    Je ne fus donc pas présent à Amiens quand survint l’incident
gravissime que j’ai promis au lecteur de lui conter, mais à mon retour
d’Orbieu, j’en obtins le récit d’un témoin, sinon oculaire (car la chose se
passa de nuit) mais à coup sûr irrécusable : Monsieur de Putange.
    Je connaissais bien Monsieur de Putange, dont La Surie
disait que son nom finissait mieux qu’il ne commençait… C’était un gentilhomme
de bonne mine, renommé pour sa prudence, sa courtoisie et la suavité de son
adresse. Qualités qui lui étaient fort utiles dans sa charge, étant écuyer de
la reine et la servant avec un dévouement parfait. Putange était aussi une des
plus fines lames de la Cour et il ne se passait guère de semaine sans que nous
fissions assaut de nos épées dans le bâtiment des gardes proche de la porte de
Bourbon, Monsieur du Hallier nous ayant permis l’usance d’une salle attenante à
celle où se tenaient les gardes qui surveillaient le guichet, laquelle (je
parle de la salle), pour dire toute la vérité, sentait la sueur, le cuir, l’ail
et le tabac à vous raquer les tripes.
    Je n’étais point aussi fine lame que Putange, mais j’avais
acquis un jeu défensif qui m’aurait permis, dans les occasions extrêmes et,
disons, désespérées, de placer sans être atteint la botte de Jarnac que mon
père m’avait apprise et de me mettre ainsi à l’abri des bretteurs du Louvre,
lesquels vous provoquaient un homme pour querelle de néant et vous le tuaient sans
plus de vergogne qu’ils eussent fait d’un poulet pour ajouter à leur gloire.
Ces fols sanguinaires, épris du « point d’honneur », ne redoutaient
point de mourir, mais ils redoutaient la « botte de Jarnac »,
laquelle ne tuait pas l’adversaire mais, lui coupant le jarret, l’estropiait à
vie. Et comment eussent fait alors ces spadassins, appuyés sur deux cannes,
pour conter fleurette aux belles ? Le calcul de mon père se révéla juste,
puisqu’il me permit, en effet, de survivre au milieu de ces épées chatouilleuses
sans que jamais on ne me cherchât chicane.
    Nos assauts avaient créé entre Putange et moi-même une
confiante et intime amitié, tant est que quand le roi le chassa du Louvre après
l’affaire d’Amiens, il me vint trouver en l’hôtel de mon père où je séjournais
alors pour quérir de moi un conseil, se demandant s’il n’allait pas se retirer
dans le Languedoc où il avait une petite terre et une sorte de manoir, n’étant
pas fort garni en pécunes.
    — Mon ami, dis-je, ne partez pas. Je vais vous dire
pourquoi : vous n’êtes pas le seul à être chassé. La Porte, Ripert, Jars
et Datel – bref tous ceux qui se trouvaient ce soir-là dans le jardin
d’Amiens avec la reine – partagent votre sort. Et que veut dire cette
fournée de disgrâces, sinon que le roi ne

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