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Le Lys Et La Pourpre

Le Lys Et La Pourpre

Titel: Le Lys Et La Pourpre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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longue et
acharnée contre ses voisins des Flandres, les Espagnols, lesquels avec de
grands moyens cherchent à lui prendre la ville de Breda [25] .
    — Et nous l’aidons ?
    — Quelque peu, mais pas la moitié autant que nous le
voudrions.
    — Pourquoi ?
    — La situation a contraint le roi et le cardinal à
disperser nos forces. Nous avons une armée dans la Valteline, une deuxième
armée à Fort Louis pour contenir les huguenots, une troisième armée en Picardie
et une quatrième armée en Champagne.
    — À quoi servent ces deux dernières ?
    — Celle de Picardie est là pour monter la garde à la
frontière des Flandres, afin de prévenir une invasion espagnole. Elle essaye
aussi de faire passer quelques hommes par mer aux Hollandais, et quelque
cavalerie aux Anglais.
    — Et celle de Champagne ?
    — Elle campe à Reims et protège notre frontière de
l’Est, car nous craignons une incursion des Bavarois qui sont, comme nous
venons de le dire, les nouveaux maîtres du Palatinat. N’oubliez pas que l’Aigle
prédateur est riche de deux têtes et que le Habsbourg d’Allemagne n’est pas
moins redoutable que le Habsbourg d’Espagne.
    — Mais, Monsieur, une chose m’étonne : tandis que
nous sommes l’arme au pied en Picardie et en Champagne, attendant un ennemi
qui, nous voyant si bien remparés, ne viendra peut-être jamais, ne faisons-nous
rien contre les huguenots ?
    — Que si, Madame ! Et puisque c’est sur mer que
Soubise nous cherche noise et écume nos ports pour capturer nos bateaux, le
cardinal a loué promptement huit vaisseaux aux Anglais et vingt aux Hollandais
et confié cette flotte à l’amiral de France, le duc de Montmorency. Et
Montmorency a fait merveille. Le quatorze septembre 1625, il a défait la flotte
de Soubise.
    — Enfin, un duc fidèle !
    — Hélas, Madame, hélas !
    — Que veut dire cet « hélas ! » ?
    — Que ce Grand n’était pas différent des autres Grands.
Il servit fort bien le roi pendant sept ans, mais en 1632 il passa dans le camp
ennemi, nous fit beaucoup de mal, fut capturé, jugé pour crime de lèse-majesté
et décapité. Les méchantes langues de la Cour commencèrent alors à dire que
l’abaissement des Grands passait par leur raccourcissement…
    — Voilà bien nos Français ! Ils font des
gausseries de tout ! Si je vous entends bien, Comte, les huguenots sont
battus.
    — Il s’en faut ! Soubise s’enfuit en Angleterre,
mais le duc de Rohan travaille à soulever les villes protestantes du Languedoc
et les Rochelais s’agitent. Ici, Madame, surgit une petite différence d’opinion
entre le roi et le cardinal.
    — Ma fé ! Voilà qui m’enchante ! Je finissais
par croire que le roi était tombé sous la coupe du cardinal et qu’il voyait
tout par ses yeux.
    — Cela, Madame, c’est la légende répandue par les
ennemis de Richelieu. Pour qui connaît Louis, c’est une absurdité. Le roi est
très jaloux de ses prérogatives royales, mais cette jalousie ne le rend pas
aveugle. Il a un jugement très sûr. Il est très accessible à la raison et aux
raisons. Et au rebours de sa mère, il ne se bute jamais. Il écoute avec une
scrupuleuse attention ce que lui dit le cardinal. Il réfléchit là-dessus et
s’il est convaincu, comme c’est un homme sans petitesse et dénué de vanité, il
s’incline aussitôt.
    — Il me semble qu’il y a une sorte de grandeur dans
cette attitude. Bien peu d’hommes, et moins encore de princes, en seraient
capables.
    — Je le crois aussi.
    —  Quid de ce différend entre lui et
Richelieu ?
    — La guerre ! Louis est si irrité par les
rébellions sans fin des huguenots qu’il brûle d’en finir une fois pour toutes
avec ces turbulents sujets. Le cardinal opine lui aussi qu’il faudra un jour en
arriver là, mais il argue que la campagne contre La Rochelle sera à coup sûr
aussi longue, aussi ruineuse, aussi coûteuse en hommes que celle qui échoua
contre les mêmes huguenots devant Montauban et qu’il faut donc, avant de s’y
lancer, régler d’abord avec l’Espagne la question de la Valteline. Sans cela,
les victoires remportées jusque-là en Italie seraient vaines et « nos
lauriers se changeraient en cyprès ».
    — Cette image est de Richelieu ?
    — Oui, Madame.
    — Le cardinal, à ce que je vois, aime le beau style.
    — Parce qu’il est persuasif.
    — Comment cela ?
    — Le cardinal n’ignore pas que si les raisons

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