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Le Lys Et La Pourpre

Le Lys Et La Pourpre

Titel: Le Lys Et La Pourpre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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départir pour la chasse, quand il reçut cette
lettre-missive et après avoir failli tout à plein d’en déchiffrer les premières
lignes, il me tendit le poulet avec impatience et nie dit : «  Sioac ,
déplumez-moi en secret cette lettre secrétissime et jetez-la-moi clair et net
sur le papier, afin que je puisse, à mon retour, la lire sans me perdre les
yeux. » Ce que je fis dans le cabinet aux livres, ayant clos l’huis sur
moi et poussé le verrou.
    — Et que disait cette lettre ?
    — Je peux vous le dire, maintenant que le temps a
passé. Le cardinal conseillait au roi d’assembler un Conseil extraordinaire,
une grande Assemblée si vous préférez, des premiers de son royaume, afin de
leur demander leur avis sur l’affaire de la Valteline et les demandes de
Barberini. Cette Assemblée, expliquait-il, aurait ceci de bon qu’en faisant
connaître la vérité des choses, elle préviendrait les mauvais bruits que
quelques personnes assez connues répandent tous les jours, à savoir que Sa
Majesté et son Conseil protègent ouvertement les hérétiques. Cette Assemblée,
conclut Richelieu, apporterait aussi à Sa Majesté « un grand repos de
conscience », puisqu’elle aurait fait examiner par le jugement de diverses
personnes très capables l’affaire qui la préoccupait.
    — Et comment le roi accueillit-il ce projet ?
    — On ne peut mieux et pour beaucoup de raisons dont le
« grand repos de conscience » était le principal, comme l’avait bien
senti Richelieu car Louis était fort pieux, je vous le rappelle, et cela le
tabustait fort de s’opposer si fortement à la politique du pape.
    — Et cela ne tabustait pas le cardinal ?
    — Fort peu, à mon sentiment, Richelieu étant plus homme
d’État qu’homme d’Église. Une de ses premières démarches, Madame, quand il
entra au Conseil du roi, fut de demander au Vatican de le dispenser de lire son
bréviaire tous les jours. Ce que le Saint-Père lui accorda très à contrecœur.
    — Et pourquoi ?
    — Qui ne sait, Madame, que la foi s’acquiert par la
prière et se fortifie par la répétition ?
    — Le cardinal n’était-il pas croyant ?
    — Oh que si ! Et fermement ! Mais sa fermeté
même excluait une répétition quotidienne qu’il tenait pour un rabâchage inutile
qui lui mangerait un temps précieux.
    — Comte, pour en revenir à cette Assemblée
extraordinaire, ne comportait-elle pas un danger pour Richelieu et le
roi ?
    — Un danger et lequel ?
    — Que quelques voix s’élèvent pour condamner sa
politique à l’égard du pape dans la Valteline.
    — Madame, seriez-vous naïve ? Il va sans dire que Richelieu
se fit confier par le roi la composition de cette Assemblée et qu’il prit soin
de la composer selon ses vues. Oyez ! Il y appelle d’abord les princes,
les ducs, les grands officiers de la couronne : connétable, chancelier,
chambellan, colonel général de l’infanterie, grand-maître de l’artillerie,
amiral, grand écuyer, et les maréchaux de France qui sont une quinzaine, dont
un certain nombre ne sauraient être présents, étant retenus aux armées. En
tout, une quarantaine de dignitaires qui, nommés par le roi, et touchant de lui
des émoluments, ne ressentent guère l’envie de le contredire sur une question
qui lui tient tant à cœur, et d’autant qu’ils jugeraient déshonorant
d’abandonner les Grisons nos alliés et de laisser « nos lauriers en Italie
se changer en cyprès ».
    — Et les robes longues ?
    — Les robes longues ne se trouvaient pas mal loties.
Furent appelés à siéger à cette Assemblée extraordinaire le président et le
procureur général des parlements (outre celui de Paris, il y en a douze en
province), des cours des aides et des chambres des comptes. En tout une
vingtaine de personnes. Et de ceux-là, Richelieu n’a pas à se défier, car ils
sont immensément flattés que le roi les consulte sans qu’il soit question de
pécunes, et ils éprouvent, en outre, peu d’amour pour le pape, étant pour la
plupart gallicans à gros grain.
    — Comte, cela est bel et bon, mais c’est aux appelés du
clergé que je vous attends.
    — Madame, vous n’allez pas être déçue ! Ce n’était
pas que le nombre manquât, car il y avait en France à ce moment-là trois
cardinaux (sans compter Richelieu), quinze archevêques, et un nombre d’évêques
que je ne saurais préciser, mais dont on peut présumer que leur nombre doublait
pour

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