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Le Lys Et La Pourpre

Le Lys Et La Pourpre

Titel: Le Lys Et La Pourpre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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le moins celui des archevêques. Et de tous ceux-là, Madame, combien pensez-vous
que Richelieu appela à siéger à l’Assemblée extraordinaire ?
    — La moitié ?
    — Ah, Madame, vous sous-estimez le cardinal ! Il
en appela quatre.
    — Quatre prêtres pour représenter tout le clergé ?
    — Oui-da, quatre ! Et pas un de plus. Les trois
cardinaux et un archevêque.
    — Mais n’était-ce pas très offensant de réduire ainsi
le Haut Clergé à la portion congrue, noyant, pour ainsi parler, les trois robes
pourpres et la robe violette au milieu d’une soixantaine de personnes ?
    — C’était surtout une façon de leur dire : on vous
soupçonne de ne pas penser en l’occurrence comme « de véritables
Français ». Tenez-vous cois !
    — Et ils s’accoisèrent ?
    — Nenni. L’un d’eux parla, tout intimidé qu’il fut.
L’Assemblée se réunit le vingt-neuf septembre 1625 dans la grande salle ovale
de Fontainebleau. Habilement, Richelieu fit parler avant lui le chancelier
d’Aligre et Monsieur de Schomberg. L’un et l’autre exposèrent l’affaire de la
Valteline, en soulignant les ruses chattemites des Espagnols et du pape pour
nous priver des fruits de nos victoires italiennes. Après Schomberg, toute la
salle était acquise et acquise bruyamment au parti de la guerre. Et c’est alors
que le cardinal de La Rochefoucauld parla et tout à plein à contre-courant.
    — C’était montrer bien du courage.
    — Oh, Madame ! Il ne courait aucun péril. Il était
fort aimé du roi et fort estimé de Richelieu, comme la suite bien le montra.
Mais enfin, il faisait son devoir de cardinal.
    — Et que dit-il ?
    — Il parla d’une voix très faible (et se peut qu’il la
voulait telle car à soixante-sept ans, c’était un vigoureux gaillard [26] ). Il parla donc en faveur d’une
suspension des hostilités. Il y eut des murmures et peut-être pour lui éviter
d’être hué, Louis l’interrompit et donna la parole à Richelieu.
    — Et que dit notre cardinal ?
    — Parlant en dernier à l’Assemblée et n’ayant plus à
exposer l’affaire, ni même à convaincre ceux qui l’écoutaient, il fit sonner
haut et fort la note héroïque, celle qui fait frémir les épées dans les
fourreaux et inspire aux robes longues le regret de n’en point porter.
« Si la paix est désirable, dit-il d’une voix grave, il faut blâmer et
détester tout ce qui porte atteinte à l’honneur, qui est le seul aliment des
âmes vraiment généreuses et royales… »
    — Mais c’est déjà du Corneille !
    — Oui, Madame ! Vous ne vous trompez pas !
C’est déjà du Corneille ! Lorsque, onze ans plus tard, Le Cid parut
sur la scène française, il fut joué, alors que précisément un grand froissement
d’épées retentissait partout : la guerre cette fois était bel et bien
déclarée entre l’Espagne et la France… Mais revenons à nos moutons.
    — Comme vous aimez à dire, Monsieur.
    — Mais, Madame, n’en êtes-vous pas un peu la bergère,
puisque vous m’aidez à les rassembler ? Le roi fit part au légat du
sentiment de l’Assemblée, et bien que cette Assemblée ne fût au fond qu’une
sorte de grand messe politique, fort bien préparée par le cardinal, son
unanimité fit une telle impression sur Barberini qu’il partit, bien convaincu
que le pape et l’Espagne n’avaient plus qu’à s’incliner. Ce qu’ils firent par
le traité de Monzon. Les Grisons gardèrent donc la Valteline.
    — Et nos bons huguenots ?
    — Schomberg traita avec eux. Ce fut très long. Les
Rochelais voulaient qu’on démolît le Fort Louis. Le roi voulait qu’ils
démolissent leurs fortifications. On discuta trois mois et au bout de trois
mois, on décida de ne raser ni le Fort Louis ni les murailles de La Rochelle.
Et la paix fut signée.
    — Quel triomphe pour Richelieu et le roi !
    — Et quelle haine aussi, Madame ! Quel
déchaînement de libelles et comme nos bons dévots les assassineraient
volontiers l’un et l’autre !
    — Iraient-ils jusque-là ?
    — Madame, dois-je vous ramentevoir le couteau de
Jacques Clément et celui de Ravaillac ?
    — Comte, avec mille mercis, laissons là maintenant ces
grands problèmes et prophéties sanglantes. J’aimerais vous entretenir
« pour la bonne bouche » de sujets plus communs et plus aimables. Et
de reste, ne vous ai-je pas annoncé une seconde remontrance ?
    — En effet.
    — Je la voudrais engager sur un

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