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Le Lys Et La Pourpre

Le Lys Et La Pourpre

Titel: Le Lys Et La Pourpre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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une belle révérence, mais au lieu
qu’elle s’en allât, elle me dit, avec un sourire et un petit brillement de
l’œil :
    — Monsieur le Comte ne serait-il pas bien aise de me
retrouver céans quand il sera en Paris ?
    — D’un autre côté, dis-je en riant, ne serais-je pas
bien marri, quand j’irai à Orbieu, de ne point t’y voir ?
    Ce fut une balle un peu bien imprudente que je lançai là. Je
m’en aperçus à la promptitude avec laquelle elle la rattrapa au vol.
    — Ce serait donc, dit-elle, l’œil en fleur, que
Monsieur le Comte est bien un peu affectionné à moi…
    — Certes ! Certes ! dis-je sans me hasarder
plus avant.
    Mais à cela, elle s’approcha un peu plus de mon chevet et
dit d’une voix douce :
    — Monsieur le Comte, cela aiderait-il à vos réflexions
cette nuit sur mon sort, si Monsieur le Comte me permettait, après avoir
soufflé la bougie, de lui bailler un petit baiser ?
    — Holà ! Holà ! Qu’est cela ? dis-je en
riant, captatio benevolentiae du juge par moyens éhontés !
Trichoterie manifeste ! Cartes biseautées ! Nenni, nenni, ma
Jeannette ! Laisse tes raisons parler seules pour toi ! Éteins, je te
prie et sauve-toi !
    Elle éteignit, mais resta un moment immobile dans le noir,
au chevet de mon lit. Je ne bougeai point, écoutant son souffle. Et ce ne fut
qu’après un assez long moment que j’ouïs l’huis de ma chambre doucement
s’ouvrir et se reclore. Je m’allongeai alors tout du long dans la tiédeur de ma
couche et, ayant assez peu de doutes dans mon esprit sur ce que j’allais
décider à son sujet le lendemain, je me sentis assez loin du sommeil que je
m’étais promis.
     
    *
    * *
     
    — Monsieur, j’ai deux remontrances à vous adresser.
    — À moi, belle lectrice ?
    — Monsieur, comment se fait-il que vous ne m’ayez plus
adressé la parole depuis notre entretien au sujet de Madame de Candisse, alors
même que dans cet intervalle vous vous êtes adressé trois ou quatre fois au
lecteur ?
    — La vérité, Madame, si vous la voulez savoir, c’est
que je vous gardais pour la bonne bouche.
    — Qu’est cela, Monsieur ? Je n’en crois pas mes
oreilles ! Vous me gardiez pour la bonne bouche !…
    — L’expression, Madame, n’a rien d’offensant pour
vous ! Bien le rebours ! Vous vous ramentevez que lors de notre
dernier entretien au sujet de la Valteline, vous m’aviez dit avec quelque
véhémence que c’était vous mésestimer que de croire que vous ne vous
intéressiez qu’aux historiettes de l’Histoire, alors que vous étiez fort
capable d’entendre les questions de la plus grande conséquence, quelque
complexes qu’elles fussent. Eh bien, Madame, j’ai résolu de vous contenter.
J’ai réservé pour vos actives mérangeoises l’exposé d’un des plus graves
problèmes politiques du règne, ce qui n’est pas à dire naturellement que
j’interdise au lecteur d’en prendre, lui aussi, connaissance.
    — Monsieur, si c’est là un défi, je le relève
incontinent. Commencez, de grâce : vous aurez en moi la plus attentive des
auditrices !
    — Madame, vous n’avez pas oublié la Valteline ?
    — Ma fé ! Je la connais par cœur, votre
Valteline ! C’est ce passage dans les Alpes italiennes conquis par les
Espagnols sur les Grisons suisses, nos alliés, confié ensuite en dépôt aux
troupes pontificales, et reconquis ensuite, sur l’ordre de Louis, par le
marquis de Cœuvres ? Je croyais cette affaire finie.
    — Madame, elle ne l’est pas. Car les Espagnols en
Italie ont pris la suite des papelins vaincus et nous nous battons contre eux
dans le Piémont avec des succès divers.
    — Et c’est la guerre avec l’Espagne ?
    — Non, Madame, pas du tout.
    — Comment cela ?
    — C’est qu’il y a une règle du jeu. Nous nous faisons
de petites guerres locales par alliés interposés, mais sans que soit déclarée
une guerre franche et générale.
    — Et pourquoi non ?
    — Par prudence et surtout par manque de pécunes.
    — Des deux parts ?
    — Des deux parts, encore que l’Espagne, ayant fait
banqueroute, soit encore plus mal lotie que nous, qui avons fait rendre gorge
aux financiers. Autre atout : l’impôt rentre mieux en ce royaume, dès lors
que la taille est établie et perçue par des officiers royaux et non par les
assemblées locales.
    — Ne voilà-t-il pas enfin une réforme sensée ?
    — Pour nos finances, Madame, mais point pour

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