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Le Lys Et La Pourpre

Le Lys Et La Pourpre

Titel: Le Lys Et La Pourpre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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quoi, elle demanda à partager mon
sommeil.
    — À deux conditions, dis-je. Point de caquet !
    — Monsieur le Comte, dit-elle en se déshabillant en un
tournemain, ne dites pas, de grâce, la deuxième condition. Je la devine. Je
connais vos humeurs. Monsieur le Comte est furieux contre Séraphin, il est
furieux contre Angélique, il est furieux contre La Barge et serait furieux
aussi contre moi, si j’ouvrais la bouche, même pour le poutouner. Que Monsieur
le Comte se rassure, je serai à ses côtés pas plus parlante, ni bougeante, ni
poutounante qu’un petit chat.
    — M’amie, tu babilles beaucoup pour quelqu’un qui dit
qu’il va se taire.
    — C’est fini, dit-elle. Le rideau est tiré. Je ne pipe
plus mot.
    Elle souffla la bougie, s’étendit, creusa sa place, se
tourna sur le côté et s’endormit en un battement de cils. Je pensais que
j’allais être moi-même tenu éveillé par cette nouvelle écorne, mais le long
chemin de Paris à Orbieu m’avait lassé et ce fut tout le rebours. Le lit était
tiède, tiède aussi le corps de Louison à mon côté et presque aussitôt
« mon sommeil me dormit », comme disait notre bon roi Henri.
    Le lendemain, je me réveillai à la pique du jour comme
étonné et dépaysé de me trouver dans ma chambre d’Orbieu et fort content que
mon bras, en s’étirant, rencontrât la ronde épaule de Louison. Mais cette joie
fut brève comme une ondée d’avril. Tout me revint : Angélique, l’étang,
Hans, le tête-à-tête à neuf heures avec le curé Séraphin.
    J’éveillai Louison et, tout embrumées que fussent mes
mérangeoises, je lui posai questions sur ce qui s’était passé la veille. Il
apparut vite qu’elle avait agi avec une émerveillable prudence, logeant
Angélique dans une aile du château où le domestique n’allait jamais, pour ce
qu’elle n’était occupée à la belle saison que par mon oncle Samson de Siorac et
Dame Gertrude, sa femme. Ils dormaient dans la chambre dite cardinalice, non
qu’un cardinal y eût jamais dormi, mais La Surie, à sa première visite dans les
lieux, l’avait ainsi surnommée, parce que les rideaux, les courtines du
baldaquin, les tentures du mur étaient de velours pourpre, quoiqu’un peu fané.
Ce qui, même en hiver, disait-il, donnait un sentiment de chaleur et
d’intimité.
    De reste, la chambre était petite assez, avec une cheminée
qui tirait bien et avec un feu flambant qui permettait de résister à tous les
frimas et comportait, en outre, pour la commodité, un petit cabinet où pouvait
dormir une chambrière.
    Louison me dit sa râtelée de ce qui s’était passé la veille.
Tandis qu’elle dévêtait Angélique, et il lui fallut de la force, car elle
résistait, ne voulant pas en cette extrémité révéler son état, Louison ordonna
à Hans d’aller chercher des bûches et d’allumer un grand feu, ce qu’il fit,
tout mouillé qu’il fût.
    À son retour, Angélique était séchée et couchée sous un amas
de couvertures, les courtines tirées, et ayant cessé, la Dieu merci, de
trembler à claquedents. Quant à Hans, le feu flambant haut et clair, Louison
eut toutes les peines du monde à obtenir qu’il se dévêtît, tant sa pudeur s’y
refusait, malgré qu’il trémulât de froid de la tête aux pieds. Mais Louison lui
parla avec les grosses dents et à la parfin, bon soldat qu’il était, il obéit
et quand il fut nu, Louison lui frotta la poitrine et le dos à l’arrache-peau,
tandis qu’il tenait sur ses pudenda [28] les deux mains pour les dissimuler à
sa vue. Louison riait encore en me le racontant.
    — Et que lui commandas-tu ensuite ?
    — De coucher dans le cabinet attenant avec mission de
verrouiller la porte après mon partement, d’entretenir le feu et de veiller sur
Angélique.
    — Ma Louison, dis-je, tu as agi à merveille dans ce
prédicament. Allons, maintenant, je veux voir la pauvrette et, si cela se peut,
lui tirer quelques mots.
    Au premier toquement léger que fit Louison à l’huis de la
chambre cardinalice, Hans nous ouvrit, et après lui avoir adressé quelques
paroles chaleureuses pour le louer de son courage et de sa bonté de cœur, je me
dirigeai vers le baldaquin et j’écartai les courtines.
    Angélique dormait. Et quel bon sommeil c’était là ! Qui
eût cru en la voyant, si rose et si paisible, qu’elle avait attenté la veille
de quitter ce monde avec l’enfant qu’elle portait. Elle ne devait pas être
accoutumée à

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