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Le Lys Et La Pourpre

Le Lys Et La Pourpre

Titel: Le Lys Et La Pourpre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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dis-moi, ajoutai-je en souriant, ne dirait-on pas que
toi aussi, tu as hâte de me voir marié ?
    — Oh que nenni ! dit-elle, une larmelette lui
venant à l’œil, bien sais-je qu’alors je pâtirai prou. Mais dans ce pâtiment,
il y aura une grande consolation. À savoir que votre enfantelet bouge en moi.
    Louison ne pipa mot tant qu’elle me dévêtit, mais une fois
que je fus dans mes draps, lesquels elle avait fait bassiner, ce mois de mars
étant venteux et froidureux, elle me dit avec un air d’importance et de
mystère :
    — Monsieur le Comte, si vous pouviez surseoir un petit
à votre ensommeillement, j’aimerais vous apprendre un événement sur une affaire
de grande conséquence, laquelle exige une décision tant urgente que difficile.
    —  Diga me [27] , dis-je, n’en croyant pas mes
oreilles d’une annonce aussi pompeuse.
    — Angélique est ici.
    — Angélique ? La nièce du curé Séraphin ? Et
que diantre fait-elle céans ?
    — Elle s’allait noyer dans l’étang derrière l’église
quand Hans qui passait par là à la nuitée l’a aperçue qui se débattait dans les
affres de la noyade et, se mettant à l’eau, il l’a repêchée.
    — Et pourquoi ne l’a-t-il pas ramenée au presbytère ?
    — Parce qu’elle noulut.
    — Elle noulut ?
    — Oui-da !… Ce pourquoi Hans, flairant quelque
mystère, l’a amenée jusqu’au château en passant par la porte dérobée. La
pauvrette était trempée comme un barbet et résista comme un démon quand je la
voulus dévêtir. Et pour cause !
    — Comment dis-tu ?
    — Et pour cause !
    — Et pourquoi dis-tu « et pour cause » ?
    — Eh bien, comme on dit dans la parladure du
pays : « Pleine était la grange. »
    — Que me chantes-tu là ?
    — Rien que de vrai. La garcelette est en tel gros état
qu’il ne peut mener loin.
    — Tête bleue ! dis-je, voilà-t-il pas d’un autre
drame !
    — Drame, je ne sais, dit Louison. Mais si la chose est
connue, les langues vont frétiller dans les villages.
    — C’est justement, dis-je très à la chaude, ce que je
ne veux point qu’elles fassent. As-tu recommandé à Hans de se taire ?
    — Je lui ai dit de se coudre les lèvres là-dessus. Et
en bon soldat, il le fera. J’ai pris par ailleurs toutes les précautions du
monde pour que le reste du domestique ne sache rien.
    — Tu as bien fait. Apporte-moi mon écritoire. Dans
l’instant ! Ce n’est pas tout ! Cours réveiller La Barge. Dis-lui de
s’habiller, de seller son cheval et de venir me trouver. Cours, Louison.
    L’huis reclus sur elle, j’écrivis à Séraphin en ces
termes :
     
    « Monsieur
le Curé,
    « Votre nièce est céans,
saine et sauve. J’aimerais vous parler demain au bec à bec sur les neuf heures.
Je vous enverrai mon carrosse. Dieu vous garde.
    « Comte
d’Orbieu. »
     
    Je pliai et cachetai la lettre de mon sceau et quand La
Barge parut plus vite que je n’eusse cru, je lui dis :
    — Va porter ce poulet au curé Séraphin.
    — Monsieur le Comte, dit-il, les yeux écarquillés, à
s’teure ! Mais il fait nuit !
    — Ne discute pas mes ordres ! Prends une lanterne
pour t’éclairer sur le chemin !
    — Mais, Monsieur le Comte, à s’teure, Monsieur le curé
Séraphin n’ouvrira pas.
    — Fi donc, La Barge ! dis-je très à la fureur. Que
de « mais » ! Quelle sorte d’écuyer es-tu donc ? Toque à la
porte du curé jusqu’à ce qu’il t’ouvre et crie ton nom ! Si tu reviens
sans avoir remis le billet en mains propres, tu ne demeureras pas à mon service
un jour de plus.
    — Monsieur le Comte, dit La Barge, la crête très
rabattue, je ferai ce que vous avez dit.
    — Va, Louison t’attendra derrière la porte, pour la
déverrouiller lorsque tu reviendras. Et pas un mot !
    Mais ce mot, quelques instants plus tard, Louison me dit que
La Barge le prononça quand il revint, lui demandant, béjaune qu’il était,
« de quoi diantre il s’agissait ». Louison s’en donna à cœur joie de
le gourmander.
    — Monsieur de La Barge, dit-elle avec une politesse
parfaitement insolente, on vous a dit « pas un mot » ! Faites
comme moi, Monsieur de La Barge ! Obéissez !
    C’était là une cruelle petite revanche de la petite roture
sur la petite noblesse. Et Louison se rinça la bouche de sa rebuffade avec un
bonheur non pareil en revenant me dire que la mission était accomplie et que
Séraphin avait maintenant ma lettre. Après

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