Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le Lys Et La Pourpre

Le Lys Et La Pourpre

Titel: Le Lys Et La Pourpre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
Vom Netzwerk:
s’ensommeiller dans une chambre chauffée, car elle avait rejeté
jusqu’au nombril draps et couvertures, tant est qu’un seul coup d’œil suffisait
à discerner son état.
    Certes, nos célèbres dames de cour ne l’eussent pas jugée
digne, à égalité de naissance, de figurer parmi elles. Le nez était un peu
gros, le menton un peu lourd et la bouche trop grande, mais Angélique avait au
rebours de nos pimpésouées les épaules larges, pas la moindre salière au-dessus
des clavicules, des bras pleins et sous leur plénitude, des muscles ; et
enfin des tétins qui, même hors de son état, étaient suffisamment pleins pour
gonfler son corps de cotte. Quant à moi, je trouvai de la force, du charme et
une émerveillable santé à cette beauté rustique et sans que j’osasse exprimer
tout haut une pensée aussi hérétique, l’idée me traversa la cervelle qu’Angélique
n’était point mal assortie au robuste gaillard qu’était le curé Séraphin.
    Louison, qui ne voyait rien d’admirable à ce spectacle,
coupa court à ma méditation en rabattant d’un geste brusque draps et
couvertures sur Angélique et, d’un geste non moins brusque, elle alla ouvrir
les rideaux de la fenêtre. Le soleil entra et réveilla Angélique qui parut tant
effrayée de me voir debout au chevet de son lit qu’elle se signa, comme si
Satan lui-même était venu la chercher pour l’emporter aux enfers. Mais Louison
l’ayant rassurée que c’était bien Monsieur le Comte qui était là, elle me fit
un salut poli de la tête et s’excusa d’une voix faible de ne se lever point
pour faire la révérence.
    — Laissons là les saluts, Angélique, dis-je dans la
parladure d’Orbieu. Je ne suis venu que pour te sortir de l’embarras où tu t’es
mise, et non pour te gourmer. Dis-moi seulement pourquoi tu as tâché de te
détruire. En as-tu parlé de prime à Monsieur Séraphin ?
    — Oh non ! Il m’aurait empêchée ! C’est un
bon maître et à moi très affectionné !
    J’observai qu’elle disait « mon maître », et non
« mon oncle » et j’en pris bonne note en mes mérangeoises.
    — Dès lors, dis-je, pourquoi l’as-tu fait ?
    À cela, elle resta bouche cousue un bon moment, Louison la
pressant de parler tantôt d’une voix caressante et tantôt encolérée. Les yeux
baissés, le visage pourpre et le front têtu, Angélique restait close sur soi,
les lèvres serrées. Louison n’en continuait pas moins ses objurgations, sur
tous les tons et dans tous les registres, appelant à la rescousse Marie, Jésus,
Joseph et tous les saints, et tous en vain jusqu’à ce qu’elle trouvât, se peut
par pure chance, la clé qui ouvrait cette serrure-là.
    — Angélique, dit-elle très à la fureur, sais-tu que si
le curé Séraphin est ton maître, Monsieur le Comte est celui de Monsieur
Séraphin, et peut, s’il le juge nécessaire, le faire chasser de sa cure ?
Voudrais-tu que par ta faute Monsieur le Comte en vienne à cette
extrémité ?
    — Ah que nenni, nenni, nenni ! cria Angélique au
comble du désespoir. Vu que si je m’a foutu à l’eau, c’est pour point gâter par
ma faute le bon renom de mon curé dans sa paroisse !
    — Sotte caillette ! cria Louison avec une colère
non plus feinte, mais bien réelle, n’as-tu pas réfléchi que si tu t’étais
noyée, on aurait repêché ton corps et qu’au vu de ton ventre, on aurait
soupçonné tout du même le curé Séraphin ? Et toi, pauvre sotte, pour
t’être suicidée, on t’aurait refusé l’ouverture de la terre chrétienne, à toi
et à ton enfantelet (qui n’était même pas baptisé), et tous les deux, damnés
jusqu’à la fin des temps et sans aucun espoir de ressusciter. Voilà ce qui se
serait passé, si on ne t’avait pas tirée de l’eau. Tu peux dire un grand merci
à Hans !
    Je trouvai l’apostrophe de Louison un peu trop
apocalyptique, mais par bonheur, Angélique, en sa naïveté, nous fit redescendre
de ces cimes dans la comédie, car elle prit à la lettre la recommandation
finale de mon intendante et me pria d’appeler Hans à son chevet. Ce que je fis.
Il vint, ne sachant trop ce qu’on lui voulait, et se figea à une demi-toise du
baldaquin et joignit les talons, aussi raide qu’à la parade. Angélique se
souleva alors sur son coude, ce qui eut pour effet de dévoiler à demi un tétin
sans qu’elle s’en aperçût, et dit d’une voix douce et trémulante :
    — La grand merci à toi, Hans,

Weitere Kostenlose Bücher