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Le Lys Et La Pourpre

Le Lys Et La Pourpre

Titel: Le Lys Et La Pourpre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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assez que j’en doive ouïr
l’antienne chaque fois que je dîne avec la duchesse de Guise ? Faut-il que
vous en repreniez, vous aussi, le refrain ?
    — Pourtant, le choix serait vaste pour le comte
d’Orbieu !
    — Vaste, Madame ?
    — Comptez-vous pour rien ces demoiselles d’honneur de
la reine qui sont si belles et de si bonne noblesse ?
    — Le ciel me garde, Madame, de ces façonnières, élevées
dans les intrigues du sérail ! De grâce, n’en parlons plus !
    — Monsieur, pardonnez-moi, ne serait-ce pas le moment à
trente ans d’assurer votre lignée ? Et ne croyez-vous pas que si les
façonnières de cour ne vous ragoûtent pas, vous pourriez encontrer en nos
provinces, ne serait-ce que dans votre Périgord bien-aimé ou dans la bonne
noblesse de votre bailliage, une demoiselle qui conviendrait mieux à vos
humeurs ? N’enviez-vous pas Monsieur de Saint-Clair d’avoir trouvé une
Laurena de Peyrolles ?
    — Hélas, Madame, la différence éclate ! Le sort de
Monsieur de Saint-Clair est enviable, assurément, tant parce qu’il a marié
cette aimable enfant que parce qu’il habite d’un bout à l’autre de l’année au
domaine d’Orbieu. Il peut donc, chaque jour que Dieu fait, jouir de la présence
de sa bien-aimée, lui parler, ne lui parler pas, mais la voir et la savoir
toute à lui. Je n’aurais pas, moi, ce privilège, même si mon épouse logeait en
Paris en mon hôtel de la rue des Bourbons, moi qui suis et dois être présent du
matin au soir aux côtés de mon roi et le suivre le cas échéant en ses
interminables voyages sur les grands chemins de France. Vous n’êtes pas sans
apercevoir les funestes conséquences de cette situation. S’il y avait une
comtesse d’Orbieu, quel serait mon pâtiment de ne la voir jamais, et si elle
m’aimait, quel serait aussi le sien d’être unie à moi tout en étant de moi
éternellement séparée !
    — Mais, Comte, croyez-vous que si vous demandiez à
Louis de vous retirer tout de bon dans votre domaine d’Orbieu, Sa Majesté en sa
bonté ne ferait pas droit à votre requête ?
    — Y pensez-vous, Madame ? Je me jugerais le plus
infâme des hommes, si je faisais jamais une requête semblable !
Quoi ! Abandonner mon roi et Richelieu, alors qu’ils sont enveloppés de
tant de haine et menacés, à ce que je crois, par les couteaux des
assassins ! Prophétisez, Madame, que si un jour je les devais l’un et
l’autre quitter, non certes de mon plein gré, mais de force forcée, je pâtirais
d’un chagrin tel et si grand que je n’y survivrais pas ! L’office que
j’assume auprès d’eux est assurément une grandissime servitude, mais c’est
aussi ma raison d’être, et pour le dire en un mot, ma vie.

 
CHAPITRE V
    Si bien je m’en ramentois, c’est fin mars 1626 que je
demandai à Louis la permission de m’absenter pour visiter mon domaine d’Orbieu.
Je n’eusse pu choisir meilleur moment. La politique du roi et du cardinal,
passant outre à toutes les résistances, venait de connaître, on l’a vu, un
éclatant succès : les huguenots de La Rochelle étaient rentrés dans leur
devoir et l’Espagne avait restitué la Valteline aux Grisons. Et bien que Louis
ne laissât pas d’apercevoir que ce n’était là qu’une bonace après laquelle la
tempête ne pouvait que reprendre, il était bien aise de cette relâche à ses
tourments, tout en sachant qu’elle serait brève. Et c’est quasiment d’un air
enjoué et riant, bien peu habituel sur son austère face, qu’il me bailla le
congé que je quis de lui.
    J’engageai les mêmes Suisses qu’à l’accoutumée pour me
servir d’escorte, sans leur garder mauvaise dent du fait qu’ils n’étaient pas
intervenus lors de l’attaque des reîtres allemands. Au vrai, ils étaient trop
loin de notre champ de tir et tant vite s’était passé l’assaut qu’avant qu’ils
pussent branler, il était déjà fini.
    Je ne laissai pas, néanmoins, de tirer leçon de cette
défaillance, me l’attribuant à moi-même plutôt qu’à mes soldats. Dans les
troubles et les périls du temps, je résolus que d’ores en avant, je ne
saillirais des murs de ma maison que je ne fusse fortement accompagné, ne voulant
pas derechef tenter le diable et me mettre au hasard d’être assailli à
l’avantage en des lieux aussi découverts. Je dictai la même règle à Monsieur de
Saint-Clair et, bien que je n’osasse point la conseiller à Monsieur de
Peyrolles,

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