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Le Lys Et La Pourpre

Le Lys Et La Pourpre

Titel: Le Lys Et La Pourpre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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il prit exemple sur nous et se l’imposa.
    Ces Suisses, au nombre de douze, nourrissant en leur cœur le
regret de leurs verts pâturages, donnaient volontiers la main, le cas échéant,
aux travaux de mes champs, et à la construction de mon châtelet d’entrée,
lequel j’avais à la parfin décidé. Non qu’ils fissent les maçons, mais ils
prêtaient leurs fortes membratures au déchargement des grosses pierres taillées
que les charrettes nous apportaient, mais point tout à fait à pied d’œuvre. Y
aidait aussi l’herculéen Hans, le reître repenti que j’avais pris à mon service
et qui me servait avec zèle. Travaillant avec les Suisses sur ce chantier, il
était tout à son affaire, ayant en commun avec eux la langue et son premier
métier. Tant est que j’envisageais de lui rendre un jour son honneur et ses
armes en faisant de lui le second de Monsieur de Saint-Clair dans l’éducation
de ma milice paysanne.
    Le soir de mon advenue à Orbieu, retirée avec moi dans ma
chambre, Louison jeta feu et flamme quand elle apprit de ma bouche que
Jeannette était entrée au service de mon père et qu’elle ne reviendrait pas la
seconder dans l’intendance de ma maison d’Orbieu.
    — Eh quoi ! s’écria-t-elle dans le premier éclat
de son ire, elle me quitte, cette coquefredouille ! Et sans ma
permission !
    — Tête bleue ! dis-je en sourcillant, qu’est
cela ? Ai-je bien ouï ? Est-ce toi, Louison, qui engageas
Jeannette ? Est-ce toi qui lui payais ses gages ?
    — Non point, dit Louison, mais vu que vous l’aviez
nommée ma sous-intendante, c’était bien le moins qu’elle me prévînt de ses
projets.
    — Cela, dis-je froidement, c’est une affaire entre elle
et toi et je n’y veux point entrer.
    — Monsieur le Comte, dit Louison qui, comme les chats,
ne s’approchait jamais du feu au point de se faire roussir les moustaches,
m’auriez-vous trouvée impertinente ?
    — Quelque peu.
    — Monsieur le Comte, dit-elle en se génuflexant devant
moi, par quoi elle était bien assurée de capter, et mon regard, et ma
mansuétude, je vous demande très humblement pardon.
    Mais évitant de poser les yeux sur les charmes dont sa
posture me faisait don, je lui tournai le dos et je lui dis par-dessus mon
épaule :
    — As-tu d’autres choses à dire touchant cette
affaire ?
    — Avec votre permission, Monsieur le Comte, me
dit-elle, tout miel redevenue, sinon par les paroles, du moins par le ton,
j’aimerais savoir pourquoi diantre cette pécore désire vivre à Paris.
    Je n’aimai ni ce « diantre » ni « cette
pécore » mais je noulus les relever, ne désirant pas, en défendant
Jeannette, donner à Louison des ombrages et des soupçons auxquels elle n’était
que trop encline.
    — Que veut fille à cet âge, à ton avis ? Au vrai,
Jeannette tient qu’à Orbieu aucun laboureur ne voudra d’elle en mariage, vu
qu’elle n’est plus pucelle, tandis qu’en Paris où elle n’est point connue, elle
peut espérer mener par le bout du nez à l’autel un honnête artisan.
    — Fi donc ! dit Louison en levant haut la crête,
un laboureur ! Un artisan ! C’est petitement penser ! Pour moi,
faute de me pouvoir marier au-dessus de mon état, je ne me veux point marier du
tout ! C’est l’enfant que vous me donnerez avant que vous preniez épouse,
Monsieur le Comte, que je veux voir établi plus haut que moi, comme le petit
Julien.
    Julien était l’enfantelet que mon père avait eu de Margot en
sa verte vieillesse. À sa requête, j’avais accepté qu’il fut élevé au bon air
d’Orbieu en attendant qu’il fût d’âge à être admis en Paris au collège de
Clermont dont les jésuites avaient fait la meilleure école du royaume. Louison
s’était beaucoup attachée à cet enfant que le domestique appelait « le
petit Monsieur de Siorac » et d’entendre nommé ainsi le bambino la faisait
frémir de contentement à la pensée que son futur fils, dont tant elle rêvait,
serait un « petit Monsieur d’Orbieu »…
    On eût fort étonné Louison en lui disant qu’il y avait
quelque chose qui touchait au sublime dans le fait qu’elle acceptait pour
elle-même un obscur célibat, pourvu que sa progéniture pût accéder à l’ordre de
la noblesse.
    — Ne te mets point martel en tête, ma Louison, dis-je
non sans quelque émeuvement, ton enfant sera reconnu par moi et élevé au
château. Je le répète derechef : tant promis, tant tenu.
    Mais,

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