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Le Lys Et La Pourpre

Le Lys Et La Pourpre

Titel: Le Lys Et La Pourpre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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Pauvre
guerrier, si franc, si vaillant, si peu politique ! Vous vous ramentevez,
mon Père, qu’accusé calomnieusement par La Vieuville, d’Ornano fut prié par le
roi de laisser là Monsieur et de se retirer quelque temps en son gouvernement
de Pont-Saint-Esprit. Hors de lui, se sachant blanc comme neige, d’Ornano osa
alors écrire à Louis qu’il préférait une prison obligée à un exil volontaire.
Cette sfida [30] était
bien dans le caractère corse d’Ornano, mais le roi le prit au mot. Il enferma
notre homme au château de Caen. La Vieuville étant à son tour tronçonné, et ses
accusations s’étant révélées fausses, Louis rappela d’Ornano, le rétablit dans
ses fonctions de gouverneur de Monsieur, le nomma premier gentilhomme de la
chambre, surintendant de la maison de Monsieur et enfin maréchal de France. Par
malheur, un d’Ornano ne pardonne pas facilement. Il considéra que toutes ces
grâces qu’on lui faisait ne compensaient pas la disgrâce qui les avait
précédées. Il demanda, il osa demander, une place au Conseil des affaires pour
Monsieur et pour lui. Le roi et le cardinal en furent effarés. Gaston au
Conseil des affaires ! Cet écervelé qui changeait d’avis de minute en
minute et ne savait pas tenir sa langue ! et d’Ornano qui savait bien la
guerre, certes, mais ne savait qu’elle ! Louis refusa : d’Ornano
garda une face imperscrutable devant ce refus, tandis que le sang corse en son
cœur bouillonnait de ressentiment.
    — Et c’est pourquoi, à votre avis, d’Ornano accepta de
« faire plaisir à la reine » en décidant Monsieur à refuser le
mariage avec Mademoiselle de Montpensier ?
    — Oui, c’est bien cela.
    — Et il y réussit ?
    — Oui, Monsieur le Comte, sans coup férir, ayant acquis
de longue date sur son pupille un grand ascendant. Monsieur dit
« non » au roi : il n’a rien, dit-il, contre Mademoiselle de
Montpensier, « mais il ne veut pas se lier ». Si on y réfléchit, quel
spectacle scandaleux ! L’épouse et le frère du roi se liguent contre la
volonté du roi pour faire échec à sa décision ! Le mal pourrait s’arrêter
là, mais d’Ornano et la Chevreuse sont grisés par ce premier succès et pris
dans une sorte d’engrenage : la cabale du coup devient une rébellion
dirigée quasi ouvertement contre le pouvoir royal. La Chevreuse et d’Ornano cherchent
alors un peu partout en France et à l’étranger des appuis et des alliés et
c’est ce qui les perdra… Car plus grandit le nombre des conjurés et plus
augmentent les risques d’indiscrétion ou de trahison. La Chevreuse gagne au
parti de l’aversion au mariage les deux Vendôme (le duc et le grand prieur),
rebelles incorrigibles, le prince de Condé, le comte de Soissons, le duc de
Montmorency et la duchesse de Rohan qui pourrait apporter, le cas échéant,
l’appui des protestants. D’Ornano envisage même la fuite hors la cour de
Monsieur, et une guerre ouverte contre le roi…
    « Par bonheur, d’Ornano n’a guère le génie de
l’intrigue. Plus hardi que prudent, il écrit à quelques gouverneurs de province
et leur demande s’ils accorderaient l’hospitalité à Monsieur, si Monsieur,
quittant la Cour, leur faisait l’honneur de la leur demander. C’était
folie ! Il allait sans dire que les gouverneurs qui avaient reçu cette
étrange demande n’allaient pas faillir à la communiquer au roi, lequel était à
Fontainebleau avec la Cour.
    « Prenant seul sa décision et l’exécutant avec sa
rapidité coutumière, Louis fit appeler d’Ornano dans sa chambre, et tout en
jouant de la guitare, lui demanda comment Monsieur s’était comporté à la
chasse. « Très bien », dit d’Ornano. Là-dessus, le roi, pinçant
toujours les cordes de sa guitare, se retira dans sa garde-robe et Du Hallier
entra avec une douzaine de gardes et dit, après une profonde révérence : «  Monsieur
le Maréchal, j’ai l’ordre de vous arrêter. » L’arrestation faite, le roi
appela Monsieur, lui dit ce qu’il en était. « Sire, dit Gaston très à la
fureur, une fois de plus, on a calomnié le maréchal. Soyez certain que si je
savais qui l’a fait, je le tuerais, et donnerais son cœur à manger à mes
laquais ! »
    — Tête bleue ! dis-je, béant, on parle de tuer les
serviteurs du roi ! On en est là !
    — Oui, Monsieur le Comte, et je crois que Monsieur le
Cardinal a été bien avisé de m’ordonner de vous mettre au courant de

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