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Le Lys Et La Pourpre

Le Lys Et La Pourpre

Titel: Le Lys Et La Pourpre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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cette
mauvaise tournure des choses au moment où vous allez le rejoindre à Fleury en
Bière.
    Par les escaliers et les couloirs interminables du Louvre,
tous la nuit tombée si déserts et si faiblement éclairés, je gagnai mon
appartement à pas rapides. Je ne sais pourquoi les grandes dimensions de
l’énorme bâtisse me plongèrent alors dans une mésaise à peine sufférable. Je
portai la main à mon épée pour m’assurer qu’elle jouait bien dans son fourreau.
Et tant ce que m’avait appris le père Joseph m’inspirait d’appréhension que je
l’eusse tirée tout à fait, si je n’avais craint le ridicule d’être encontré
dans ces solitudes, mon arme dégainée à la main.
    Assoupi sur une chaire à bras, La Barge m’attendait chez
moi. Une seule bougie brûlait éclairant une petite table sur laquelle étaient
jetées des cartes, ce qui indiquait qu’il avait fait une partie avec Robin en
m’attendant.
    — Monsieur le Comte, dit-il, il y a une demi-heure
environ, on a toqué à l’huis, mais n’ayant pas reconnu votre façon de frapper,
et vu le disconvenable de l’heure, je n’ai pas ouvert.
    — Et tu as fort bien fait, La Barge.
    — On a toqué une deuxième fois et je n’ai pas ouvert
davantage. Alors quelqu’un a glissé un pli sous la porte. Il est sur la table.
    — C’est bien, La Barge. Va te coucher. Je me
déshabillerai moi-même.
    — Merci, Monsieur le Comte.
    — Beaux rêves, La Barge !
    — Hélas, Monsieur le Comte, ce sera cauchemar que ces
beaux rêves ! J’ai perdu deux écus à Robin.
    — Il t’en rendra un demain. Je ne veux pas que d’un
côté ou de l’autre, on gagne plus d’un écu.
    — Ce ne sera donc qu’un demi-cauchemar. Merci, Monsieur
le Comte !
    Dès qu’il fut parti, je pris le bougeoir et le pli et passai
dans ma chambre. Un cachet de cire fermait le pli, mais sans qu’y fussent
imprimées des armes. Je le fis sauter et le lus. Le poulet, comme je m’y
attendais, ne comportait pas de signature. Voici ce qu’il disait :
    « Sémillant Siorac, serviteur zélé d’un roi imbécile et
d’un faquin de cardinal, aimerais-tu flotter, la gorge ouverte, sur la rivière
de Seine jusqu’à Chaillot, comme autrefois tes amis de la RPR ? »
     
    RPR étaient les initiales par lesquelles les ligueux sous
Charles IX désignaient « la religion prétendue réformée »,
claire référence à mon père, et Chaillot était une allusion au fait que les
corps des huguenots, dagués et jetés en Seine à Paris lors de la Saint-Barthélemy,
s’étaient retrouvés en grand nombre prisonniers dans les hautes herbes des
rives de Chaillot.
    Ce billet que je rangeai précieusement dans la manche droite
de mon pourpoint me donna fort à penser. Derrière cette puissante cabale qui
menaçait le roi et son ministre, y avait-il d’autres forces que ce trio de
dames enragées et qu’un ambitieux maréchal ? On ne parlait plus de la
Sainte Ligue depuis belle heurette, en fait depuis l’avènement d’Henri IV,
mais avait-elle réellement disparu ?

 
CHAPITRE VI
    Le lendemain, bien avant potron-minet, la grande porte des
Bourbons [31] à peine déclose, je la franchis avec
La Barge et trottai vers la rue du Champ Fleuri au plus vite que je pus, car
une petite pluie tombait et le fer de nos chevaux glissait sur le pavé gluant
des rues, par bonheur vides de tout peuple à s’teure. Mais La Barge démontant,
il fallut quatre ou cinq grands toquements du heurtoir de l’huis pour que
Franz, une lanterne à la main, nous vînt ouvrir, à peine désommeillé et moins
encore le palefrenier qui, les yeux à peine ouverts, vînt nous prendre nos
chevaux pour les bichonner sur-le-champ dans l’écurie.
    — Ma fé, Monsieur le Comte ! dit Franz avec un
grand salut, c’est bien miracle de vous voir céans que Paris dort encore !
Comme dit Monsieur le Marquis : oyez l’émerveillable silence ! Pas
une des cent églises de Paris qui carillonne la première messe ! Et pas un
des mille et un coqs de Paris qui coquerique ! (C’était là une des
badineries de mon père, le chiffre de cent églises étant accertainable, mais
point celui des mille et un coqs, encore qu’ils fussent assez nombreux pour
tympaniser horriblement les Parisiens dès la pique du jour.)
    — Dois-je éveiller Caboche ? Monsieur le Comte
a-t-il déjeuné ?
    — Nenni et j’ai une faim à manger une charrette
ferrée !
    Réveille aussi Lachaise pour qu’il prépare

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