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Le Lys Et La Pourpre

Le Lys Et La Pourpre

Titel: Le Lys Et La Pourpre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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France…
    Ce qui me sembla étrange à moi fut ce début, car je me
demandai si le père Joseph faisait allusion au mariage de Louis avec Anne
d’Autriche. En fait, la suite de son discours me prouva que s’il y avait fait
allusion, elle demeurait dans les limbes de son entendement. Il avait en vue
tout autre chose.
    — Voyez, Monsieur le Comte, poursuivit-il, à quoi nous
a menés le mariage d’Henriette-Marie avec Charles I er d’Angleterre : au scandaleux incident du jardin d’Amiens, et pis encore,
en raison du fait que Louis décida de ne plus admettre Bouquingan sur le sol
français, à une alliance qui prend de plus en plus les couleurs de la haine. Et
maintenant, ce mariage de Gaston avec Mademoiselle de Montpensier menace de
tourner au drame et presque à la guerre civile !
    — Au drame ! dis-je béant. Pourquoi cela ?
Gaston a dix-huit ans et Mademoiselle de Montpensier est la plus riche
héritière de France. En outre, l’idée n’est pas nouvelle. Si j’ai bonne
mémoire, la reine-mère l’a conçue avec l’assentiment d’Henri IV en
1608 : c’est-à-dire il y a dix-huit ans. La demoiselle devait d’abord
épouser Nicolas. Mais le pauvre Nicolas mourut en bas âge, et aussitôt, sans
perdre une minute, et dans la même lettre où la régente annonçait le décès du
pauvret au tuteur de Mademoiselle de Montpensier, elle redemandait la main de
la garcelette pour Gaston. Proposition qui fût naturellement aussitôt acceptée.
    — Votre remembrance ne vous trompe pas, Monsieur le
Comte. Il y a en effet dix-huit ans que la reine a choisi Mademoiselle de
Montpensier pour Gaston. Et vous pensez si elle tient à ce que ce mariage se
fasse !
    — Que dit le roi ?
    — Il a hésité et il a requis du cardinal son avis.
Là-dessus, après y avoir travaillé, le cardinal lui a remis un beau mémoire,
écrit bien dans sa manière, où il pesait minutieusement le pour et le contre.
Mais il ne concluait pas, ou plutôt il concluait qu’il s’agissait d’un cas où
« Sa Majesté, seule, pouvait délibérer ».
    — À votre sentiment, pourquoi le roi a-t-il
hésité ?
    — La reine a perdu deux fois son fruit. Le roi est sans
dauphin et si Gaston engendre un fils, sa position à l’égard de son aîné en
sera considérablement renforcée. Mais d’un autre côté et à tous égards, le
projet est en soi irréprochable. Il avait l’assentiment d’Henri IV. Et il
est ancré de si longue date dans l’esprit de la reine-mère que ce serait
engager une troisième guerre avec elle que de le refuser. Mais surtout, Louis
considère que son devoir est d’assurer coûte que coûte sa lignée… En fin de
compte, c’est le devoir qui l’a emporté. Il a accepté le projet de mariage,
mais j’ose le dire, la mort dans l’âme.
    — Pourquoi ?
    — Parce qu’il connaît Gaston.
    — Pour moi, mon Père, je vous avoue que je n’ai eu que
rarement l’occasion d’approcher Monsieur, ayant cru entendre que Sa Majesté
n’aime pas que ses officiers prennent des habitudes [29] avec lui. En tout cas, c’est ce
qu’il reproche à Monsieur de Chalais.
    — Ah bah ! Monsieur de Chalais a dix-huit ans,
l’âge de Monsieur ! Et il est attiré par Gaston qui a le même âge, ainsi
que par les vauriens qui l’entourent et qui se livrent du matin au soir aux
farces, aux pitreries, aux beuveries, aux chansons à boire et à la débauche.
    — J’ai ouï dire que Monsieur, néanmoins, n’est point
sans qualités.
    — Indubitablement. Au contraire du roi, il a la langue
bien pendue, il parle beaucoup et le mieux du monde, il a de l’esprit, il aime
les arts, il est ouvert à tous et à beaucoup de choses. En bref, il a toutes
les qualités brillantes qui faillent à son aîné et il n’a aucune de ses vertus
solides.
    — Aucune ?
    — Pas la moindre. Il est indolent, sans projet défini,
ne s’applique à rien, change de cap à tout vent, pousse l’inconstance jusqu’à
l’inconsistance. Cependant, il ne manque pas de vaillance à la guerre et c’est
là, peut-être, qu’il le faudrait employer, si ce n’est que là, plus
qu’ailleurs, on pourrait craindre les effets de sa versatilité, car il est plus
influençable que pas un fils de bonne mère en France. Monsieur le Cardinal, en
son style lapidaire, a dit de lui qu’ « il est susceptible des bons comme
des mauvais avis ».
    — Je n’ai jamais ouï le roi parler de Monsieur.
L’aime-t-il ?
    — Il le

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