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Le Lys Et La Pourpre

Le Lys Et La Pourpre

Titel: Le Lys Et La Pourpre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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mon carrosse et
baille picotin aux chevaux ! Et réveille aussi Jeannette, pour me porter
mon déjeuner dans ma chambre ! Monsieur de La Barge déjeunera où il
voudra. Dans la librairie, s’il y tient…
    — Pour une fois, je préfère la cuisine, dit La Barge. À
s’teure, elle sera plus chaude et j’aurai la compagnie des aimables chambrières
de Monsieur le Marquis, qui toutes sont jeunes, et aucune laide.
    — La Barge, dis-je, ne va pas faire le fendant avec les
garcelettes de mon père !
    — D’autant, Monsieur l’Écuyer, dit Franz avec une
familiarité admirablement mesurée à l’aune de son interlocuteur, que ma Greta
vous aura à l’œil…
    — Eh bien, tant pis ! dit La Barge. Je me
contenterai de regarder les garcelettes. Comme dit Monsieur le marquis :
« Cela fait toujours plaisir à un vieux renard de voir passer une poule,
même s’il ne peut pas l’attraper. »
    — Monsieur l’Écuyer, reprit Franz qui craignait
peut-être d’avoir été trop loin dans l’impertinence voilée, nous avons des œufs
frais pondus de nos poules. En voulez-vous ?
    — Oui-da !
    — Au plat ? Brouillés ? En œufmeslette ?
    — Je les veux crus ! dit La Barge en montrant ses
petites dents.
    Là-dessus apparut Mariette, mafflue et fessue, laquelle je
baisai sur les deux joues, parce qu’elle m’avait tenu dans ses bras en mes
maillots et enfances. Mais comme elle était plus grande parleresse que pas une
harengère en Paris, je quittai la place aussitôt, la laissant déverser son
déluge de paroles sur La Barge et d’autant qu’elle raffolait du petit béjaune.
    L’escalier franchi en trois bonds, je gagnai ma chambre où,
incontinent, je me mis à sortir des coffres les habits que je comptais emporter
avec moi à Fontainebleau. Je dis Fontainebleau, parce que la Cour y était, mais
comme le lecteur sait déjà, je devais demeurer à Fleury en Bière chez le
cardinal, à deux lieues de là. Je ne fus pas longtemps à ce labeur, car
Jeannette apparut, m’apportant mon déjeuner, et tandis que je le dévorais à
dents aiguës, elle prit la suite de mes empaquements, sachant de reste mieux
que moi où étaient les vêtures.
    Toutefois, si active qu’elle fut, elle ne laissa pas, allant
et venant dans la pièce, de me poser questions.
    — Monsieur le Comte va bien ?
    — Tu le vois, Jeannette, je dévore.
    — Vous dévorez, Monsieur le Comte, mais d’un air
malengroin et vous ne m’avez pour ainsi dire pas regardée, ce qui s’appelle
regarder, depuis que je suis entrée céans. Vous ne m’avez même pas demandé des
nouvelles d’Angélique.
    — Comment va-t-elle ?
    — Du mieux du monde, et sur l’ordre de Monsieur le
Marquis, elle est traitée céans comme poule en pâte.
    — Voilà qui va bien, dis-je sans lever le nez de mes
viandes.
    — Et moi, Monsieur le Comte ? reprit-elle d’un ton
vif. Suis-je devenue en si peu de jours plus laide que les sept péchés capitaux
que vous ne voulez pas jeter l’œil sur moi ?
    — M’amie, dis-je en levant la tête et en la considérant
d’un œil rieur, si les sept péchés capitaux étaient aussi jolis que toi, je les
commettrais tous les sept du matin au soir…
    À quoi, courant se génuflexer à mon côté, elle me prit la
main, la baisa, et s’enhardissant tout soudain, me poutouna derrière l’oreille,
poutoune qui ne fut pas sans effet sur moi.
    — Monsieur le Comte, dit-elle, le tétin haletant, quand
départez-vous ?
    — Tôt cette après-dinée, si je puis.
    — Quoi ? Pas une seule nuit céans ?
    — Nenni, le temps me presse.
    — Ferez-vous du moins une sieste avant votre
partement ?
    — Je crains de n’en avoir pas le temps.
    — Ah ! Monsieur le Comte ! dit-elle, c’est
pitié !
    Mais elle n’eut guère le temps de s’attendrézir, car on
toqua deux coups à la porte. Elle se releva en un battement de cils. Je donnai
l’entrant et mon père apparut, habillé de pied en cap. Il ne se montrait jamais
en négligé à personne, pas même au domestique.
    — Jeannette, ma fille, dit-il, laisse-nous.
    Elle lui fit, avec des yeux très affectionnés, une belle
révérence et se retira.
    — Mon père, dis-je, après qu’elle eut fermé l’huis sur
elle, êtes-vous content de Jeannette ?
    — Aussi content que vous pouvez l’être vous-même,
quoique dans un domaine différent…
    — Nenni, nenni, mon père, rien n’est encore fait.
    — J’en suis ravi pour vous, mon

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