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Le Lys Et La Pourpre

Le Lys Et La Pourpre

Titel: Le Lys Et La Pourpre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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voudrait, parce que c’est son devoir de
chrétien. Mais trop de choses les séparent. Le roi est pieux, pudique, réservé.
Gaston profane tous les trois mots le saint nom de Dieu, ne se plaît qu’aux
obscénités, aux contrepèteries et aux chansons à boire, signe ses lettres
« Marquis de Vitlevant » pour vanter sa virilité, procure des femmes
à ses vauriens et ne rêve que pitreries.
    — Mais enfin, il est jeune encore. Ne peut-il se
corriger ?
    — Je crains que non. Il n’accorde d’importance à rien.
Le mot obligation n’a pour lui aucun sens. Et comme il est persuadé, non sans
raison, que son rang le met à l’abri de toute espèce de sanction, il a
l’impression de jouer sa vie sur le velours. Ses erreurs et ses fautes étant
sans conséquence, de ce fait elles ne lui apprennent rien. Et il est à parier
qu’il les répétera sa vie durant. Pensez si, avec ces dispositions-là, il peut
plaire à Louis qui est le devoir même.
    — Et que pense Monsieur de ce mariage avec Mademoiselle
de Montpensier ?
    — Que voulez-vous qu’il pense, étant ce qu’il
est ? Il hésite. Tantôt il s’avise que ce serait fort avantageux d’épouser
l’héritière la plus riche de France, lui qui est toujours dans les dettes. Il
n’ignore pas, en outre, que le roi lui donnerait un très bel apanage, en
dotations, en terres, en revenus. Et tantôt il regimbe fort à l’idée de
s’attacher au poteau du mariage, tantôt…
    — Comment va-t-on sortir de cette incertitude ?
    — Pour l’instant, par un coup de théâtre. Deux
personnages entrent en scène et l’intrigue se noue.
    — Mon Père, si vous me permettez de le dire, vous avez
une sorte de talent pour la comédie.
    — La comédie, Monsieur le Comte, hélas, non ! Il
s’agit d’un drame ! Oyez la suite. L’un des personnages que j’ai dits est
la reine – la reine régnante, bien sûr, et dans son ombre, trois
infernales succubes qui la conseillent et l’aiguillonnent : Madame de La
Valette, née Verneuil, fille bâtarde d’Henri IV, la princesse de Conti et
je la cite en dernier, bien qu’elle ne soit pas la moindre : Madame de
Chevreuse, diablesse avérée, comme dit Louis. Monsieur le Comte, on se demande
parfois pourquoi les vertugadins de ces étranges animaux sont si démesurés. Et
moi, je vais vous dire pourquoi : c’est parce qu’ils cachent toute la
malice du monde.
    Je jetai cette phrase en passant dans la gibecière de ma
mémoire pour la répéter à mon père, tant je la trouvais savoureuse, surtout
dans la bouche d’un capucin.
    — Et la reine, dis-je, est contre ce mariage ?
    — Passionnément. Et pour une raison évidente. Si Gaston
a un fils, elle qui n’a jamais pu porter une grossesse à terme, elle ne
comptera plus et à la mort du roi, elle ne sera plus rien.
    — Mais que Gaston soit ou non marié, dis-je, à la mort
du roi, cela ne fait pas pour elle la moindre différence, puisque n’ayant pas
de fils, elle ne sera pas la reine-mère et n’aura pas, de ce fait, de
légitimité.
    — Monsieur le Comte, vous touchez là un point important
et que Madame de Chevreuse n’a pas été sans apercevoir. Aussi a-t-elle suggéré
une diabolique solution : le roi mort, Gaston épouse sa veuve et Anne
d’Autriche reste reine.
    — Mon Dieu, mon Père, il me semble que là, à tout le
moins implicitement, on s’approche à pas feutrés du régicide. Anne serait-elle
consentante à un remariage avec Gaston ?
    — Implicitement, oui. Il y a toujours eu entre eux de
la sympathie, se peut même de la connivence. Ce sont des esprits jumeaux, l’un
et l’autre frivoles et étourdis. Rien ne rapproche davantage, comme vous savez,
homme et femme que des défauts communs.
    — Y a-t-il déjà un commencement d’exécution à cette
intrigue ?
    — Bien plus qu’un commencement, Monsieur le
Comte ! Nous y sommes en plein ! Sur l’ordre de la reine, Madame de
Chevreuse est allée visiter le gouverneur de Gaston pour lui dire qu’il ferait
plaisir à la reine s’il décidait Monsieur à refuser le mariage avec
Mademoiselle de Montpensier.
    — Et le maréchal d’Ornano a accepté ?
    — Hélas, oui ! Il s’est même engagé à fond dans
cette intrigue, et pourquoi, comblé d’honneurs comme il est, il est allé se
fourrer dans ce nœud de vipères, ce sera à vous de me l’expliquer, Monsieur le
Comte, car je connais l’homme assez peu.
    — Hélas, pauvre colonel des Corses !

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