Le Maréchal Suchet
nombreux coudes et du fait qu’en plusieurs points la rive gauche domine la rive droite, Brune réunit ses généraux dans un conseil de guerre (21 décembre). Tous furent d’avis de poursuivre l’offensive malgré le mauvais état des routes et se rallièrent à l’idée de Marmont de ne franchir la rivière qu’en un point, à Monzambano. Mais le plan initial de Brune et ses instructions écrites prévoyaient une traversée en deux points, le second se situant à Molino-della-Volta.
Il y eut un manque certain de coordination entre les trois corps. En outre, afin d’égarer les Autrichiens, une fausse attaque devait être menée sur Molino qui distrairait une partie des forces ennemies. Cette diversion serait réalisée par Dupont. Alors que Brune avait planifié l’ensemble de l’opération pour le 24 décembre, un retard dû à l’état des routes l’obligea à la reculer de deux jours. Mais il omit d’en prévenir Dupont. En outre, celui-ci, qui avait à faire oublier la mauvaise impression qu’avait donnée son corps d’armée en Toscane, sans s’assurer que l’horaire initial était maintenu, traversa le Mincio et attaqua dès le 24.
Bellegarde s’aperçut très vite que le reste de l’armée française ne bougeait pas et concentra une partie importante de ses forces en face de Dupont. Celui-ci, après avoir engagé ses deux divisions, comprit qu’il allait être écrasé et appela Suchet à l’aide. Curieusement, Brune, averti par Suchet, ne voulant pas reconnaître son erreur initiale, se mit en colère et lui fit interdire de se porter au secours de son collègue. Mais faisant preuve à la fois d’initiative, de générosité et d’un sens profond de la camaraderie, Suchet passa outre les ordres de Brune et vint soutenir et renforcer Dupont. Il jugea très vite, avec son sens aigu pour estimer une situation, que le renfort qu’il apportait risquait d’être insuffisant. Passant par-dessus la tête de l’état-major, il envoya des officiers à Davout pour lui demander de venir les appuyer et celui-ci, sans hésiter, se porta en avant. Ainsi Dupont put-il remporter une victoire à Pozzolo. Bon camarade lui aussi, il n’oublia pas de mentionner dans son rapport qu’il n’avait gagné la bataille que grâce à l’intervention de Suchet. C’est, il faut le souligner, une des plus belles actions de la vie militaire de Suchet.
Le surlendemain, 26 décembre, Brune déclencha son offensive générale. Quoique s’étant battues sérieusement l’avant-veille, les divisions de la droite et du centre participèrent activement à l’action et les Autrichiens furent contraints à la retraite, abandonnant leurs positions fortifiées tout en maintenant des garnisons dans Mantoue et Peschiera. Le gros de leur armée se replia sur l’Adige. De part et d’autre, les pertes avaient été assez lourdes. Aussi Brune ne montra-t-il aucun empressement à pousser vigoureusement son offensive. Il savait d’une part que la récente victoire de Moreau en Allemagne allait sans doute amener la fin du conflit car il marchait sur Vienne, et d’autre part que l’armée des Grisons commandée par Macdonald descendait du Tyrol, ce qui allait mettre Bellegarde dans une situation inconfortable car il risquait d’être encerclé.
La veille du jour où Brune gagnait à son corps défendant la bataille de Pozzolo, Moreau en Allemagne signait un armistice avec l’archiduc Charles. À ce moment, son armée campait à moins de vingt lieues de Vienne. Cette suspension d’armes, au départ d’une durée de trente jours, fut matérialisée entre les généraux Lahorie et Grünne dans la petite ville de Steyer.
Les hostilités allaient se poursuivre assez mollement pendant un mois en Italie, conditionnées par les négociations de Lunéville. Le gouvernement de Vienne aurait voulu que Bellegarde repoussât les Français jusqu’au Mincio et Bonaparte désirait que Brune avançât jusqu’à l’Adige. Mais sentant peser sur son flanc droit la menace de l’armée de Macdonald, Bellegarde n’avait aucune envie de se lancer dans une offensive hasardeuse. De son côté, Brune ne comprenait pas pourquoi le Premier consul tenait à pousser jusqu’à l’Adige. Il n’en avança pas moins, mais lentement, avec précaution et en évitant autant que possible de faire tuer du monde. D’ailleurs, les troupes françaises dans leur progression se comportaient comme en pays conquis et comme l’hiver était assez rude
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