Le Maréchal Suchet
les soldats enlevaient systématiquement les portes et les meubles pour se chauffer quoique ce genre de destruction leur fut interdit.
Suchet avait ordre de marcher sur l’Adige. Le 4 janvier 1801, il entrait dans Vérone qui borde le fleuve, sans rencontrer de résistance. Les Autrichiens s’étaient contentés de couper le pont.
Cependant, Brune, ne tenant pas compte des instructions de Berthier dictées par la politique, était maintenant décidé à poursuivre son offensive. Il savait que l’armée de Bellegarde était affaiblie, car l’archiduc Charles y avait prélevé vingt-cinq mille hommes pour renforcer ses propres troupes devant Vienne. Suchet reçut donc l’ordre de franchir l’Adige et cette opération ne rencontra pratiquement aucune opposition. Lancé en pointe de l’armée, il atteignit Castelfranco le 12 janvier et, le 18, arriva devant Padoue qui n’opposa aucune résistance.
Bellegarde à présent cédait le terrain presque sans combattre. Mais, à son tour, il sollicita un armistice qui ne fut conclu que le 26 janvier. Une zone neutre entre les deux armées fut définie, limitée par le Tagliamento pour les Autrichiens et le Livenza pour les Français. Tout le monde savait que les négociations de paix conduiraient l’armée française à rétrograder jusqu’à l’Adige. Mais, en attendant ce mouvement qui aurait lieu le plus tard possible, Suchet s’installa à Padoue et mit la province à contribution, contrairement à ses principes, pour nourrir et surtout vêtir ses divisions. Il dut également défendre la province du Padouan contre la rapacité de ses camarades moins bien lotis, car la province était encore riche et n’avait pas trop souffert de la guerre. Il se préoccupa de faire restituer aux acquéreurs de biens nationaux institués en 1796 et 1797 par Bonaparte leurs propriétés que les Autrichiens à leur retour s’étaient empressés de confisquer.
Cependant, le haut commandement de l’armée d’Italie était l’objet d’incroyables intrigues. Après la bataille de Pozzolo, Brune avait demandé à Paris le rappel de Dupont alors que ce dernier écrivait au ministre de la Guerre pour dénoncer l’incapacité de son chef. De son côté, Davout envoyait une missive virulente à Berthier, écrivant que Brune était « sans caractère, sans talent et sans courage ». Il alla jusqu’à le taxer d’« ineptie, de pusillanimité et de mauvaise foi ». Marmont et Moncey se joignirent à ce concert, y ajoutant que la corruption atteignait un degré inouï chez les employés civils travaillant au quartier général.
Seul, le prudent Suchet, quoi qu’il en pensât, se garda de polémiquer et se renferma dans le silence, s’occupant ostensiblement de son corps d’armée. Et puisque les hostilités étaient suspendues et touchaient à leur terme, il consacra une partie de son temps à demander de l’avancement pour un certain nombre de ses subordonnés.
Chez lui, l’homme du monde n’était jamais loin du militaire. Il décida de faire un peu de tourisme. Il demanda courtoisement à son homologue autrichien, qui commandait le secteur de l’Adriatique, des passeports pour aller visiter Venise, accompagné de plusieurs officiers et de leurs épouses. Les Marmont furent du voyage qui dura du 16 au 22 mars 1801 et les Autrichiens ainsi que l’aristocratie vénitienne leur réservèrent des réceptions somptueuses et même chaleureuses.
Si Suchet s’était octroyé des vacances, c’est qu’il sentait que son commandement et son séjour en Italie tiraient à leur fin. En ce même mois de mars, Brune était parti pour Paris. Suchet avait espéré que le commandement de l’armée à titre provisoire lui serait confié ; mais Brune l’avait délégué à Moncey plus ancien que lui comme général de division quoiqu’il l’ait destitué en janvier pour avoir soi-disant laissé échapper l’armée ennemie.
La tâche qui revenait à Moncey était tout sauf agréable. Il était chargé de replier l’armée sur la ligne de l’Adige, ainsi que l’avait défini le traité de Lunéville signé le 9 février, puis de la dissoudre et d’envoyer les demi-brigades cantonner un peu partout. Avant de quitter Padoue, Suchet réussit à obtenir que la province lui fournisse un certain nombre de pièces de drap, vingt mille paires de souliers, des fourgons, deux cents mulets et cinq cents chevaux. Dès son retour de Venise, il écrivit à Berthier, toujours
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