Le Maréchal Suchet
que le prix en fût raisonnable. Ce fut alors que Masséna constata que les caisses de l’armée étaient vides. Ce n’était pas absolument exact. Elles contenaient des obligations des receveurs généraux français et des lettres de crédit à très longue échéance dont personne ne voulait. Petiet, ministre du gouvernement français à Milan, annonça l’arrivée prochaine d’un million en espèces, envoyé par Paris, dont personne ne vit jamais la couleur !
Aussi Masséna se mit-il à bombarder le Premier consul de lettres impératives réclamant à la fois des fonds et des équipements pour son armée.
Par ailleurs, il s’occupait fort peu de réaliser l’amalgame entre son ancienne armée et celle de Bonaparte. Enfin, il laissait la corruption et le pillage se développer dans son entourage, ce qui au demeurant n’allait pas loin, étant donné l’état de l’Italie, après quatre ans d’occupation par des armées de trois nationalités différentes.
Tous ces arguments furent bons aux yeux de Bonaparte et, en août, après deux mois de ce commandement, Masséna fut relevé de son poste. Pour lui allait commencer une longue période de disgrâce parfaitement imméritée. Il fut remplacé par Brune (21 août) qui était certes un bon administrateur mais un assez médiocre chef de guerre, plutôt timoré et sans grandes vues stratégiques. Le choix était curieux, car Bonaparte comptait sur l’armée d’Italie pour réaliser les opérations définitives lors de la reprise des hostilités afin d’éclipser les exploits de l’armée d’Allemagne supérieurement commandée par Moreau.
Brune commença par mettre en œuvre cet amalgame négligé par Masséna. Il réorganisa son armée en cinq corps qu’il confia à Moncey, Michaud qui remplaçait Soult toujours indisponible et se remettant de sa blessure reçue pendant le siège, Dupont, Suchet et Davout à la tête de la cavalerie.
Suchet connaissait bien Brune auprès de qui il avait déjà servi en tant que chef d’état-major et leurs rapports furent, dès le départ, assez cordiaux. Il en profita pour lui adresser un état de son corps d’armée et demanda des équipements pour ses hommes ainsi que quelques renforts car, sur ses deux divisions qui auraient dû compter près de quinze mille hommes, il y avait mille deux cents malades.
Occupant le centre du dispositif français, Suchet avait installé son quartier général à Crémone. Son ami Oudinot, toujours chef d’état-major de l’armée, lui fournit un certain nombre d’équipements et, afin de lui permettre d’assurer son service d’éclairage, Brune le renforça avec trois régiments de hussards. Son parc d’artillerie qui comptait vingt-quatre pièces (deux batteries par division) fut légèrement augmenté. Pendant tout l’été, la suspension des hostilités permit à Suchet de se consacrer à l’entraînement de ses troupes. Mais il avait également à résoudre quelques problèmes délicats.
Lors des négociations d’armistice d’Alexandrie entre Berthier et le général autrichien Zach, il avait été prévu la création d’une ligne de démarcation entre les deux armées. Mais les deux généraux ne s’étaient pas attardés à la tracer avec précision. Aussi, entre les adversaires qui, sans être vraiment au contact, n’étaient pas très éloignés, les escarmouches de patrouilles étaient-elles fréquentes, chacun prétendant avoir vu son territoire violé par l’autre. C’était une des tâches, et non des moindres, des chefs de corps de s’assurer que ces affrontements demeurent dans des proportions minimes tout en ne faisant rien pour les décourager.
En outre, Suchet veillait à maintenir des liaisons étroites avec Moncey à sa gauche et Dupont à sa droite. Au début de septembre 1800, Brune l’avertit que les hostilités allaient incessamment reprendre et lui fixa comme objectif la ville de Trente. Mais l’armistice fut, une fois de plus, prolongé. À ce moment, le corps d’armée de Suchet, tant en raison des maladies que des désertions, était réduit à un peu plus de dix mille hommes et il dut demander de nouveaux renforts à Oudinot.
Brune, conscient de cette diminution générale des effectifs qui frappait toute l’armée, réorganisa une fois de plus ses demi-brigades grâce à des renforts que lui envoya Paris.
Même s’il s’agissait surtout de conscrits, il fut à même d’étoffer ses unités et, en novembre, Suchet
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