Le Maréchal Suchet
disposait à nouveau de treize mille hommes. On ne sait pratiquement rien sur ce que fut sa vie privée durant cet été 1800 et s’il profita, comme c’est probable, de son séjour en Italie pour nouer quelque idylle amoureuse quoique à ce moment les sentiments n’aient pas semblé tenir une grande place chez lui. Mais il veillait soigneusement à continuer à donner de lui une opinion favorable dans l’entourage du Premier consul. C’est ainsi qu’ayant appris que la police avait déjoué une tentative d’attentat contre Bonaparte, il s’empressa d’écrire le 2 octobre à Bourrienne, secrétaire et intime du Premier consul : « Tous les braves de l’armée ont témoigné leur inquiétude sur l’assassinat prémédité de notre héros… »
De report en report, car les deux adversaires peaufinaient leurs préparatifs et une conférence prélude à la paix s’était ouverte à Lunéville sans beaucoup avancer, l’armistice dura jusqu’au 28 novembre à un moment où il était loisible de croire qu’il se prolongerait jusqu’au printemps 1801. Les Autrichiens avaient minutieusement préparé leur rupture, car elle eut lieu le même jour en Allemagne et en Italie. Cependant, dans ce dernier pays, leurs plans de campagne ne prévoyaient pas de prendre l’offensive. Ce comportement convenait parfaitement à leur commandant en chef, le maréchal Bellegarde, homme prudent et même un peu timoré. Il décida de rester sur la défensive sur une ligne délimitée par la rivière Mincio, s’appuyant sur les deux forteresses de Mantoue bordée par le Pô et de Peschiera, sur le lac de Garde contrôlé par une importante flottille de canonnières. Mais il avait tout de même cent vingt mille hommes sous ses ordres dont soixante-dix mille sur la ligne du Mincio, vingt mille dans le Tyrol, vingt mille à Naples et dix mille à Ancône qu’il pouvait concentrer assez rapidement.
De son côté, Brune commandait à quatre-vingt-dix mille hommes et le Premier consul lui avait laissé entrevoir l’appui éventuel du corps d’observation de dix mille hommes sous Murat qu’en définitive on ne lui donna pas, pas plus que l’armée de Macdonald forte de quinze mille hommes campant dans les Grisons.
Déployée face aux Autrichiens sur le Mincio, l’armée d’Italie était articulée en trois corps de bataille : Moncey à gauche, Suchet au centre et Dupont à droite. Michaud commandait la réserve et Davout toujours la cavalerie, alors que Marmont responsable de l’artillerie disposait de deux cents pièces. Les trois commandants de corps d’armée, et Suchet autant sinon plus que les autres, étaient enchantés à l’idée de reprendre les hostilités et ne cherchaient que l’occasion de se mettre en valeur. Pourtant, au moment de la rupture de l’armistice, le 22 novembre, Brune commença par rester, lui aussi, sur la défensive. Le corps de Dupont avait été en effet envoyé en Toscane pour y rétablir l’ordre et s’y était, au demeurant, plutôt mal comporté. Il ne fut de retour à la droite du dispositif français que le 26 ou 27 novembre. À ce moment-là, Brune hésitait encore à prendre l’offensive. Bellegarde avait puissamment fortifié son front du Mincio et aucune manœuvre de contournement n’était envisageable. Il fallait donc attaquer de front. D’ailleurs, l’attitude un peu ambiguë du Premier consul incitait Brune à la circonspection. Il savait que Bonaparte supportait mal que d’autres généraux cueillent des lauriers à sa place et il se demandait si une grande victoire en Italie serait accueillie avec enthousiasme par le gouvernement. Du reste, même en demeurant immobile, il jouait un rôle, car il fixait d’importantes forces autrichiennes et couvrait le flanc droit de l’armée d’Allemagne dont le commandant en chef, Moreau, allait se couvrir de gloire en écrasant les Autrichiens à la bataille de Hohenlinden. Bonaparte ne le lui pardonnerait jamais.
Tout de même, le 18 décembre, aiguillonné par le Premier consul, Brune se mit en mouvement. Il franchit la rivière Chiesa et avança en direction du Mincio. Au centre, Suchet avait comme premier objectif la petite ville de Volta qu’il occupa le 20 décembre. Sur l’ensemble du front, les Autrichiens cédaient du terrain en résistant mollement et en se réservant de combattre sur le Mincio. Avant d’arriver sur cette rivière qui ne constituait pas un obstacle infranchissable en raison de ses
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