Le Maréchal Suchet
l’état de délabrement économique où était tombé l’Aragon, l’empereur, qui préparait l’annexion de cette province à la France, compliquait singulièrement la tâche de Suchet qui, selon son propre aveu, écrivait : « Il n’est pas difficile de prévoir les nombreux obstacles que devrait rencontrer l’exécution d’un pareil système… »
Si l’Aragon, avant l’arrivée des Français, parvenait à produire suffisamment pour ses besoins, outre qu’en 1811 ce n’était plus le cas, il n’était pas capable de subvenir à ceux de l’armée d’occupation.
À ces responsabilités déjà lourdes, Suchet allait voir dans les jours qui suivirent s’en ajouter d’autres. En mars, l’empereur décida qu’outre l’Aragon il serait gouverneur des provinces de Tortose, Lérida, Tarragone et de toute la partie sud de la Catalogne, soit environ un tiers de ce pays.
Pour faire face à ses nouvelles obligations, l’armée de Catalogne, autrement dit le 7 e corps, passait entièrement sous ses ordres et les troupes de Macdonald se trouvaient réduites d’autant. Ce dernier apprécia peu le procédé. Il n’allait pas tarder à tomber « officiellement » malade et à demander son retour en France. Napoléon, qui était un patron exigeant, demanda que sur sa lancée Suchet, avec son corps d’armée renforcé qui allait prendre le nom d’« armée d’Aragon », entreprît dans les plus brefs délais le siège de Tarragone. Il avait à présent la renommée d’un preneur de villes, un peu comme Vauban un peu plus d’un siècle auparavant et cette réputation flatteuse allait l’accompagner tout au long de sa carrière.
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La ville de Tarragone était construite en bordure de mer entre deux petits cours d’eau, la Gaya et le Francoli. De ce fait, elle pouvait être ravitaillée depuis le large et recevoir en outre l’appui de la flotte anglaise. Deux enceintes, dont une fort ancienne et de peu de valeur, et quelques ouvrages de moindre importance la couvraient. Pourtant, l’ensemble était assez imposant et, depuis 1808, avait encore été renforcé en particulier par un nouveau fort à l’extérieur de l’ensemble, le fort Olivo.
Pour attaquer Tarragone, Suchet disposait à présent de quarante mille hommes. Mais le corps de siège proprement dit n’en comprit que la moitié. En effet, il devait laisser différentes unités en divers points de ses provinces, entre Saragosse, Teruel et Lérida, pour y maintenir l’ordre et également conserver à proximité de la place assiégée un corps d’observation afin de se tenir prêt à repousser la ou les armées de secours. En outre, il disposait d’une artillerie puissante : cent pièces lourdes faciles à transporter depuis Tortose où se trouvait toujours le parc. Mais la garnison de Tarragone en avait trois fois plus, disposées, il est vrai, tout au long des remparts ainsi que dans les forts et ne pouvant que très partiellement concentrer leurs feux. Toutefois, elle pouvait compter sur l’appui de la division navale anglaise qui comprenait une douzaine de bâtiments de diverse importance.
Le siège n’était même pas esquissé que Suchet reçut un message affolé de Macdonald. Par un coup de main hardi, les Espagnols avaient réussi à se rendre maîtres de la ville de Figueras sur la route reliant Barcelone à Perpignan. Le maréchal lui demandait de lui renvoyer toutes les troupes qu’il venait de lui céder pour reconquérir la place. À la réflexion, Suchet s’y refusa. Le seul fait de faire faire mouvement à ces unités ferait perdre presque un mois et ensuite on ne savait combien de temps prendrait la reprise de Figueras. D’ailleurs, cette place n’avait pas une telle importance et les communications avec la France ne seraient pas coupées pour autant. Suchet était persuadé que le chef espagnol qui avait enlevé Figueras avait opéré une diversion pour retarder les opérations contre Tarragone. Il ne changea donc rien à ses dispositions initiales et le 2 mai, ayant établi son quartier général à Reuss, il commença à entreprendre le siège de la ville. Quelques diversions tentées par les Anglais qui à plusieurs reprises débarquèrent des troupes entre Tortose et Tarragone furent toutes repoussées et ne retardèrent pas d’un seul jour les opérations du siège.
Suchet commença par se débarrasser de la menace que faisaient peser les navires anglais en faisant édifier des batteries de côte
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