Le Maréchal Suchet
interrompue et ne devait reprendre qu’en novembre.
Suchet avait d’autres préoccupations. C’était toujours le même processus qui recommençait : une armée française mettait le siège devant une ville aux mains des rebelles. Une ou deux armées espagnoles tentaient de forcer le blocus. Malgré leur supériorité numérique, elles étaient battues et refoulées et dans un avenir plus ou moins proche la place était amenée à capituler. Le scénario se reproduisit de manière identique avec Tortose. La garnison voyant que les Français se contentaient d’encercler leur cité tenta sans succès plusieurs sorties et dès lors attendit l’aide d’armées de secours.
Celles-ci se manifestèrent dès le 30 juillet. O’Donnell, à la tête de dix mille hommes, attaqua le général Habert, cantonné à Tivisa. Les Français n’étaient que cinq mille mais, bien commandés, le repoussèrent sans peine. Entre-temps, Reille, à présent gouverneur de la Navarre relativement calme, avait amené à Suchet une division de renfort.
Le 6 août, Suchet apprit que de Valence on s’apprêtait à faire un nouvel effort pour secourir la ville. Une armée commandée par Caro remontait vers le nord mais ayant appris l’approche du 7 e corps elle battit prudemment en retraite.
À la fin du mois, Suchet et Macdonald se rencontrèrent à Lérida. L’entente entre eux fut immédiate. Macdonald était prêt à aider son camarade mais, pour cela, il avait à résoudre un problème de ravitaillement. En attendant, il renforça Suchet en mettant à sa disposition une division italienne, commandée par le prince Pignatelli. Celle-ci servit à protéger le premier convoi d’artillerie, descendant l’Èbre, mais en raison même de la nature de ses soldats, vagabonds et repris de justice, elle était difficilement employable au combat.
Ce ne fut pas avant la fin de novembre que Suchet, ayant enfin sous la main tout son parc de siège, put songer à passer à la partie active du siège. Au même moment, ayant réussi de son côté à faire venir plusieurs convois de vivres, Macdonald lui fit savoir qu’il allait occuper la basse vallée de l’Èbre et ainsi le couvrir sur sa gauche. Sur sa droite, face aux Valenciens, Suchet détacha la division du général Musnier. Se servant d’un plan d’attaque établi par Haxo avant d’être rappelé à Paris, le commandant du 3 e corps put enfin faire ouvrir la tranchée, le 2 décembre. Les travaux furent rapidement menés et la garnison ne réagit guère jusqu’au 28 décembre où elle tenta une sortie qui, malgré ses efforts, fut repoussée. Dès le lendemain, un bombardement intensif de la place commença et, le 1 er janvier 1811, la ville offrit de capituler en demandant au préalable une suspension d’armes de quinze jours que Suchet rejeta.
Dans la nuit qui suivit, le tir de son artillerie fut si dévastateur que le 2, en fin de matinée, Tortose capitula au moment où Suchet allait ordonner l’assaut.
Sans être aussi important qu’à Lérida, le stock de matériel de guerre pris était assez considérable puisqu’il comprenait cent quatre-vingt-deux canons et deux millions de cartouches.
La prise de cette ville portait un coup sérieux aux Espagnols car elle isolait Tarragone et ouvrait une porte sur la route de Valence. Ils décidèrent d’adopter une nouvelle tactique : se saisir de toutes les récoltes et des sources d’approvisionnement pour empêcher les Français de se ravitailler. Malheureusement pour eux, il fallait engranger ces récoltes et seules les villes possédaient des magasins susceptibles de les recevoir. Lorsqu’elles tombaient aux mains des Français, ceux-ci faisaient main basse sur les vivres.
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Après la prise de Tortose, Suchet revint à Saragosse où il n’avait fait que de brèves apparitions durant six mois. Il se consacrait surtout à son travail de gouverneur civil et à la gestion économique et administrative de la province lorsque, le 9 février, il reçut une lettre de Berthier. Partant du principe qui lui était cher que « la guerre doit nourrir la guerre », Napoléon avait décidé de cesser de subventionner le 3 e corps qui devrait entièrement vivre sur le pays. De plus, la province d’Aragon devrait se créer un gouvernement indépendant de Madrid mais sous le contrôle de Suchet, et en même temps celui-ci continuerait de dépendre de Paris pour les opérations militaires.
Ne tenant aucun compte de
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