Le Maréchal Suchet
corregidor. Le gouvernement de la place fut confié au colonel Henriod, aussi bon militaire que diplomate, et il n’y eut aucune velléité de révolte dans Lérida jusqu’à la fin de l’occupation française.
Suchet put donc, sans arrière-pensée, consacrer tout son temps à d’autres opérations militaires.
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La conquête de l’Andalousie par le roi Joseph et les troupes du maréchal Soult avait contraint la junte révolutionnaire nationale à décamper de Séville et à se réfugier à Cadix où l’assiégeait l’armée du maréchal Victor. En cet été 1810, la situation de l’organe qui se voulait le fidèle représentant du roi Ferdinand, toujours prisonnier de Napoléon, se présentait sous un jour assez sombre. Son seul et unique allié, la Grande-Bretagne, traversait elle-même une crise. Son armée de la péninsule Ibérique, toujours commandée par lord Wellington, réfugiée au Portugal, se préparait à battre en retraite devant l’armée du maréchal Masséna et à reculer jusqu’aux fortifications de Torres Vedras, en avant de Lisbonne. Wellington espérait qu’il ne serait pas obligé de les évacuer et de rembarquer ses divisions.
La junte, depuis Cadix, ne contrôlait plus effectivement que le royaume de Valence entre la frontière de la Catalogne et Alicante. Là, s’étaient regroupées ses dernières armées. Certes, les guérillas infestaient encore tout le pays et continuaient à y faire preuve d’activité, mais combien de temps seraient-elles en mesure de se soutenir ?
Aussi l’état-major impérial par la plume du maréchal Berthier indiqua-t-il à Suchet que la conquête du royaume de Valence serait son prochain objectif et que pour réaliser cette opération son corps d’armée serait appuyé par le 7 e . Celui-ci venait de changer de chef. Augereau, malade, avait été remplacé par Macdonald (juillet 1810). L’axe de marche des troupes chargées de cette mission suivrait la côte de la Méditerranée et, avant de s’attaquer à Valence, il leur faudrait enlever les places qui se dressaient sur leur route : Tarragone, Tortose et Sagonte. La logique eût voulu que Suchet et Macdonald commencent par Tarragone. Les ordres désignèrent Tortose comme première ville à enlever, en précisant qu’en même temps Macdonald assiégerait Tarragone.
Tortose était une cité stratégiquement d’importance car elle servait de point d’appui à la fois aux armées espagnoles de Valence et de Catalogne. Ces dernières, se reposant sur diverses villes fortifiées et un terrain très accidenté, gênaient considérablement les mouvements du 7 e corps. Toujours battues, toujours reconstituées, il fallait, si on voulait s’en débarrasser, les priver de cette base. Tortose n’était pas dotée de puissantes fortifications : une simple muraille renforcée par deux forts.
Dès lors, Suchet se consacra aux préparatifs de ce nouveau siège et le général Valée lui constitua un parc d’artillerie lourde de plus de cinquante pièces dont certaines enlevées aux Espagnols. Malgré les fortes chaleurs de l’été dont souffraient les hommes, Suchet se mit en route au début de juillet. Son corps d’armée comportait trois divisions d’infanterie, une forte brigade de cavalerie ainsi que l’artillerie et le génie, en tout à peu près dix-sept mille hommes. Il arriva sur place le 6. Ce fut pour apprendre que, loin de marcher sur Tarragone, le 7 e corps stationnait à Gérone, au nord de Barcelone.
Dès ce moment, et quoique réduit à ses seules forces, Suchet décida de poursuivre le siège sans réaliser qu’il allait durer plus de six mois. En fait, l’attaque de la ville proprement dite, parallèles, cheminements, etc., fut différée pendant plusieurs mois. Par sa seule présence, toutefois, il bloquait la place et empêchait toute communication entre les armées espagnoles, mais en l’absence de son parc de siège il était dans l’impossibilité d’entamer les opérations proprement dites. Or, ce parc était toujours sous Lérida. Il n’existait aucune route permettant d’acheminer canons, fourgons, caissons et autres impedimenta entre Lérida et Tortose. Aussi, le général Valée décida-t-il d’effectuer le transport par eau. Mais l’Èbre parfaitement navigable se trouvait en période d’étiage et la hauteur des eaux atteignait à peine vingt centimètres au lieu du mètre cinquante habituel. Aussi, toute navigation était-elle momentanément
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