Le Maréchal Suchet
quasidictatoriaux pour défendre le royaume, car la junte attachait une importance capitale à y maintenir sa souveraineté. C’était le seul territoire étendu qui lui restait. Blake avait amené avec lui deux divisions de renfort. Mais les troupes composant cet ensemble se montraient de valeur fort inégale.
De son côté, le maréchal disposait de cinq divisions d’infanterie (quarante bataillons), trois françaises, une italienne et une napolitaine, d’une division de cavalerie (quatorze escadrons), de mille huit cents artilleurs et six cents pionniers, en tout vingt-trois mille hommes. Il avait été contraint d’en laisser sept mille en Aragon et en Catalogne pour y assurer l’ordre.
Berthier lui rappela, dans une lettre du 16 août, que sur sa route et la barrant en théorie il y avait trois places fortes : Peniscola, Oropesa del mar et surtout Sagonte. Suchet qui le savait parfaitement était décidé à négliger les deux premières mais à faire sauter le verrou de la troisième avant d’aller plus avant.
Depuis Madrid, son « oncle » lui avait fait miroiter l’espoir de l’appuyer avec l’armée du centre ainsi qu’avec une nouvelle que Reille était en train de constituer en Navarre. Mais le maréchal savait à quoi s’en tenir sur les promesses de Joseph et avec raison ne fit pas fond sur elles.
Berthier, toujours à Paris et plein d’optimisme, lui laissa espérer qu’après la prise de Murviedo (Sagonte) et une bataille rangée gagnée contre Blake, Valence ouvrirait ses portes. Mais Suchet n’y comptait pas trop. Si Murviedo n’était qu’une ville ouverte, elle était dominée par le rocher de Sagonte, forteresse depuis l’Antiquité et qui, Suchet qui connaissait ses classiques le savait, avait donné du fil à retordre à Hannibal.
À son grand regret, Suchet dut encore laisser une division pour occuper Lérida, Mont Serrat et Tarragone et il demanda à Reille, en qui il avait confiance, de le remplacer en Aragon. Lui-même se mit en mouvement le 15 septembre. Le 23, l’armée atteignit Murviedo et il s’attendait à y rencontrer Blake qui s’était avancé jusqu’à cette ville. Mais, à l’approche des Français, il avait jugé plus prudent de reculer jusqu’à Valence. Toutefois, le maréchal ne le poursuivit pas. Il ne se souciait pas d’affronter une armée aussi importante que celle de Blake, en laissant derrière lui une place de guerre avec une garnison de trois mille cinq cents hommes alors que ses propres lignes de communication dépassaient cent vingt kilomètres.
Il était donc très préoccupé par cette situation mais considérait qu’il fallait dans un premier temps occuper Sagonte. Le terrain très escarpé rendait l’attaque par des moyens classiques à peu près impossible à réaliser. Aussi Suchet craignait-il de se trouver longtemps immobilisé devant une forteresse qu’on ne pourrait, semblait-il, réduire que par la faim. Sur les avis du commandant du génie qui avait examiné les approches avec soin, il tenta un premier coup de main qui aurait permis par sa hardiesse d’enlever la place par surprise. L’affaire échoua car les Espagnols étaient sur leurs gardes.
Suchet se résigna donc à bombarder de près Sagonte. Le 18 octobre, il lança un assaut qui échoua. Le bombardement reprit. Ce fut alors que Blake se décida à sortir de ses lignes et à se porter au secours de la place qu’il savait à toute extrémité. Il choisit une position qui lui était favorable et d’où il menaçait sérieusement son adversaire. Suchet, s’il refusait l’affrontement devrait se replier en abandonnant toute son artillerie, d’autant que là où l’attendait Blake, il se trouverait entre deux positions tenues par l’ennemi et sans véritable possibilité de retraite en ordre.
La bataille du 24 octobre, un moment indécise, tourna assez vite à l’avantage des Français. Suchet enfonça le centre des Espagnols puis mit leurs ailes en déroute. Les vaincus s’enfuirent jusqu’à Valence. Du coup, le général Andriani qui commandait Sagonte découragé accepta de capituler. Le siège avait duré vingt et un jours.
Au cours de l’affrontement contre Blake, Suchet qui s’était constamment exposé au feu avait été touché à l’épaule par une balle. Sans être grave, sa blessure était sérieuse. Elle l’empêcha pendant trois semaines de monter à cheval. En même temps il souffrait d’une fistule mal placée. Saisissant
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