Le Maréchal Suchet
l’étranger ». Mais il avait pris contact avec l’administration française toujours en place ainsi que les mouvements de résistance royalistes particulièrement nombreux et actifs dans la région. Toujours soucieux d’afficher son indépendance, il n’arriva à Toulouse que le 26 avril et les autorités donnèrent un bal en son honneur le lendemain.
Prévenu à son quartier général de la venue prochaine du prince, Suchet décida de se rendre sans délai à Toulouse. Il y parvint le soir du bal et se rendit auprès du prince. Se déroula alors une scène que Clausel et le comte de Montbel qui étaient présents se sont fait un plaisir de raconter, le premier dans une lettre à Soult écrite le soir même et le second dans ses mémoires. Le duc d’Albufera qui, on le sait, avait parfois tendance à « en faire trop », à peine entré se précipita à genoux aux pieds du duc d’Angoulême et lui saisit la main dans l’intention évidente de la baiser. Mais ce dernier, qui avait le sens du ridicule, se dépêcha de relever le maréchal et l’embrassa en public. Comme on l’a vu, plusieurs spectateurs dont la religion était faite s’en gaussèrent mais le neveu du roi fut enchanté du geste. Il s’entretint d’une manière « bien aimable » avec le maréchal. Sans doute avait-il reçu de son oncle des consignes sur la manière de se comporter avec les chefs de l’armée. Et puis la façon dont Suchet avait reçu et traité Ferdinand VII, qui était un cousin du prince, plaidait en sa faveur.
À Paris, son récent comportement était connu ; aussi ce fut sans surprise qu’il apprit le 1 er ou le 3 mai qu’un arrêté du 29 avril avait réuni les armées des Pyrénées et de Catalogne sous le nom d’armée du Midi et que le commandement lui en était confié.
Pendant son séjour à Toulouse, il eut une entrevue avec Wellington. C’étaient tous deux des hommes bien élevés et l’Anglais le reçut « avec une grande distinction ». Le duc d’Angoulême, qui s’était pris d’amitié pour le maréchal, entendait l’avoir constamment à ses côtés. Ce fut en sa compagnie qu’il alla passer en revue les éléments de l’ancienne armée de Soult et lors de la passation de pouvoirs entre les ducs de Dalmatie et d’Albufera qui se déroula le 7 mai, au cours d’une prise d’armes, le maréchal Suchet y arriva avec le duc d’Angoulême.
Ses nouvelles fonctions l’amenèrent à transférer son quartier général de Narbonne à Toulouse. Ce fut lui qui fut chargé avec le général Murray, son ancien adversaire, à présent chef d’état-major de Wellington, d’organiser le départ de l’armée anglaise qui bivouaquait toujours autour de Toulouse. Elle allait traverser la France et s’embarquer dans les ports de la Manche.
Suchet allait avoir à régler de nombreux problèmes d’ordre administratif. Il lui appartenait de licencier et de renvoyer dans leurs foyers une partie des effectifs de l’armée du Midi. Quelque peu cavalièrement, Soult, avant de partir pour Paris, avait laissé à son camarade une note l’avertissant que quelques-uns de ses régiments n’avaient pas perçu leur solde depuis vingt-deux mois et tous les autres depuis deux ans ! De plus, les caisses de toutes ces unités étaient depuis longtemps vides et, pour nourrir leurs hommes, les colonels étaient contraints de procéder à des réquisitions qui rendaient particulièrement irritables tous les habitants de la région. À ce moment, l’armée sous les ordres de Suchet comprenait quarante-neuf régiments de ligne, treize régiments d’infanterie légère, neuf régiments de cavalerie, dix compagnies d’artillerie et un état-major pléthorique puisqu’il comptait près de huit cents officiers et sous-officiers. Pour régler au plus vite l’embarrassante question des soldes, Suchet obtint du duc d’Angoulême l’autorisation de verser immédiatement l’équivalent d’un mois ; en quelque sorte, un don de joyeux avènement.
À son arrivée en France, un peu légèrement, il faut le souligner, le comte d’Artois avait annoncé que l’impôt des droits dits réunis était supprimé. Mais son frère plus réaliste se hâta de le rétablir par une ordonnance du 10 mai, ce qui entraîna des troubles dans le Midi pourtant passionnément royaliste. Le préfet du Tarn ayant fait appel à l’armée, Suchet à qui cette espèce de révolte rappelait celle de Bédoin se dépêcha d’envoyer
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