Le Maréchal Suchet
des troupes sur place et rendit les autorités locales responsables sur leurs biens propres du paiement de l’impôt.
Forcé de par ses fonctions de demeurer dans le Midi, Suchet écrivit au roi, dès le 15 mai, une lettre toute de platitudes dans laquelle il assurait le souverain de son dévouement et le priait de bien vouloir l’excuser de ne pouvoir encore le faire de vive voix.
Cependant, le gouvernement s’efforçait soit de démobiliser l’énorme masse des soldats, soit de disperser les différentes grandes unités qui constituaient l’armée française, envoyant celles qu’il entendait conserver en garnison aux quatre coins du pays. Seules subsisteraient en l’état les régions militaires, cadres purement administratifs. Le 23 juin, Suchet apprit que l’armée du Midi serait dissoute le 30 du même mois, les différents régiments étant envoyés en garnison un peu partout. Suchet, avant de les répartir, veilla à ce que le paiement de la solde fût réglé. Puis il se pencha sur le sort, au demeurant incertain, d’un certain nombre de généraux qui avaient été ses collaborateurs, tels Valée, Harispe, Reille, Lamarque ou Saint-Cyr Nugues, son fidèle chef d’état-major. Mais il était évident qu’en raison de la réduction draconienne des effectifs (moins de deux cent mille hommes au lieu de cinq cent mille) un certain nombre de ces braves allaient se retrouver en demi-solde ou mis d’office à la retraite.
Fort incertain de ce que serait son propre sort, encore qu’il pensât pouvoir compter sur l’appui du duc d’Angoulême et du comte d’Artois avec qui il échangeait régulièrement de la correspondance depuis le mois d’avril, bien qu’ils ne se fussent jamais rencontrés, Suchet apprit à la fin de juin que le roi l’avait nommé, le 4 du mois, membre de la nouvelle chambre haute, la chambre des pairs. Estimant dès ce moment qu’il n’avait plus rien à faire dans le Midi, il prépara son départ pour Paris. Le 24 juin, dans un ordre du jour adressé à son armée, il prit congé de celle-ci après lui avoir rappelé avec insistance qu’elle devait désormais obéissance au roi.
Puis, il expédia en avance ses bagages vers la capitale. Mais presque immédiatement il apprit qu’il était nommé à la tête de la 14 e division militaire, avec résidence à Caen. Il fut donc obligé de faire courir après ses bagages qui étaient déjà à Cahors pour leur donner une nouvelle destination. Avant de quitter Toulouse qui, sur sa recommandation, était confiée provisoirement au général Meyer, il voulut s’assurer qu’il laissait tout en ordre derrière lui. En particulier, il se préoccupa du sort des réfugiés espagnols qui s’étaient compromis avec les Français sous son administration et à qui personne ne semblait s’intéresser car ils se trouvaient dans l’impossibilité de retourner chez eux.
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En fait, à part quatre d’entre eux, tous les maréchaux retrouvèrent des fonctions en 1814. Louis XVIII, à travers eux, entendait s’attacher l’armée et il leur réserva séparément et en bloc le meilleur accueil. Suchet qui avait vu avec plaisir ses demandes de promotion pour ses collaborateurs dans l’ordre de Saint-Louis accueillies favorablement alla lui-même se présenter au roi lors de son passage à Paris, au début de juillet.
Ensuite, il ne se pressa pas de quitter la capitale car il n’avait plus séjourné dans son hôtel depuis 1808. Outre ses visites protocolaires au roi et au comte d’Artois, il eut plusieurs entretiens avec son ministre, le général Dupont. Et puis il renoua des rapports avec des amis qu’il avait un peu perdus de vue depuis six ans. Il savait qu’il aurait dû se rendre à Lyon où l’appelait le contrôle de sa société, mais il n’en avait guère le temps et laissa ce travail à son frère. D’ailleurs, il était souvent consulté par les ducs d’Angoulême et de Berry, fils du comte d’Artois. Le plus jeune, Berry, qui s’intéressait de près aux questions militaires mais qui avouait des lacunes en la matière, lui demanda dès juillet, à plusieurs reprises, des conseils. Suchet les fournit de bonne grâce, ayant toujours eu tendance à chercher à se faire bien voir des personnalités proches du pouvoir. Il en profita pour glisser au duc quelques-unes de ses idées personnelles sur la manière dont, selon lui, devrait être constituée l’armée. Le moment semblait particulièrement bien choisi,
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