Le Maréchal Suchet
Aussitôt après, il fit à Suchet la proposition de réunir leurs deux armées et de porter le théâtre des opérations sur la Haute-Garonne.
À ce moment, l’armée de Catalogne achevait d’évacuer l’Espagne. Avant de franchir les Pyrénées, Suchet en termina avec ses destructions en faisant sauter le fort de Rosas. Le 13 avril, en arrivant à Narbonne, Suchet reçut un courrier qui lui annonçait à la fois la fin de l’Empire, la nomination d’un gouvernement provisoire et le prochain retour du roi Louis XVIII. Il se dépêcha d’en avertir le maréchal Soult en même temps qu’il assurait le nouveau ministre de la Guerre qui n’était plus Clarke mais Dupont de son « adhésion absolue à toutes les résolutions qui terminent les maux de la France ».
Le 16, il apprit que Soult avait conclu un armistice avec Wellington. On a beaucoup épilogué sur le fait que le duc de Dalmatie avait traité en son seul nom, en semblant oublier son camarade. En réalité, Suchet l’avait déjà averti qu’il avait écrit directement à Wellington pour le mettre au courant de son adhésion au gouvernement provisoire et pour attirer son attention sur le problème des garnisons toujours assiégées en Espagne ainsi que de celles capturées à Lérida, Mequinenza et Monzon. Soult, parce qu’il était précisément au fait de ce problème très délicat sans toutefois le connaître dans le détail, ne voulut pas prendre le risque de commettre quelque impair et préféra laisser Suchet traiter la question seul. C’est donc bien injustement que Soult a été accusé dans ce cas précis de jouer un jeu personnel. Au demeurant, au lendemain de l’armistice, il quitta momentanément son armée et se rendit à Saint-Amans, dans sa propriété du Tarn où résidait sa famille. Ce fut là qu’il apprit, à la fin d’avril, qu’il était relevé de son commandement et que son armée passait sous les ordres de Suchet. Aussi, le 17 avril, Suchet écrivit-il une nouvelle fois à Wellington pour lui proposer à son tour un armistice que l’Anglais accepta d’autant plus volontiers qu’il avait reçu de son gouvernement des instructions en ce sens. Suchet n’avait pas manqué de charger son aide de camp, le lieutenant Lusignan qu’il avait désigné comme plénipotentiaire, d’insister sur le sort des troupes françaises retenues en Espagne dont Ferdinand semblait se désintéresser.
Les hostilités étant suspendues et vraisemblablement terminées, Wellington, sensible aux arguments de Suchet, décida de faire de son côté le maximum pour lui permettre de récupérer ses unités dans les meilleures conditions possibles. C’est pourquoi il détacha plusieurs des officiers de son propre état-major pour accompagner le général Lamarque qui allait prendre contact avec le général espagnol Copons ainsi qu’avec lord Bentinck. Les Anglais se montrèrent coopératifs mais les Espagnols, qui auraient voulu récupérer non seulement les forteresses mais en plus le matériel qu’elles contenaient et auraient bien aimé en retenir quelque temps les garnisons prisonnières, soulevèrent mille difficultés. Il fallut que le général Valée, envoyé cette fois par le roi Louis XVIII, se rendît en Espagne pour obtenir que les Espagnols mettent un terme à cette querelle dans laquelle ils étaient de parfaite mauvaise foi.
Ainsi, Suchet eut-il la satisfaction de voir revenir environ vingt mille soldats et officiers de l’ancienne armée d’Aragon. Les premiers qui arrivèrent furent les prisonniers de Lérida. Ces troupes invaincues ramenaient un matériel considérable : toute l’artillerie, canons et caissons d’origine française soit vingt-huit pièces et soixante-six caissons, cinq mille fusils, plus de six millions de cartouches que Suchet réexpédia en France et ceci suffit peut-être à expliquer la mauvaise volonté des Espagnols.
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Le duc d’Angoulême, fils aîné du comte d’Artois, donc neveu du roi Louis XVIII, avait débarqué à Bordeaux, venant de Grande-Bretagne, après que cette ville se fut donnée avec enthousiasme aux Bourbons. La bourgeoisie bordelaise voyait avec le roi venir le retour de la paix et la reprise des affaires, en particulier les exportations de vins vers l’Angleterre, interrompues depuis 1803. Intelligent mais réservé, le duc s’était bien gardé de suivre de trop près l’armée de Wellington, ne tenant pas à donner l’image d’arriver « dans les fourgons de
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