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Le mariage de la licorne

Le mariage de la licorne

Titel: Le mariage de la licorne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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premier à se ressaisir. Il se racla la gorge.
    — Ouais, pas mal.
    — Quoi, c’est tout ? Elle est déprimante, ta légende, Hubert, dit Louis.
    Blandine regarda de son côté et dit :
    — Eh bien, maître, la morale est : tenez-vous-en au vin.
    Tout le monde s’esclaffa. Louis montra son appréciation en faisant une sorte de sourire crispé. Lionel remarqua :
    — Ce récit n’est pas sans me rappeler l’histoire du bon saint Christophe sans le dévouement de qui l’Enfant Jésus n’eût jamais pu traverser des flots tumultueux. Notre royaume se voit comme Lui confronté à cette épreuve. Plus que jamais, nous avons besoin de telles figures. Nos gens se reconnaissent en ce Grand Ferré. C’est pourquoi son histoire nous émeut autant. Ne sommes-nous pas comme lui frustes et impétueux, à la fois adultes et enfants ? Nous sommes un peuple qui ne sait pas mieux se défendre des autres que de ses propres pulsions.
    — Oui, bon, ça va, dit Louis que ce genre de discours agaçait plus que d’habitude.
    Le moine se garda donc d’insister. Au lieu de quoi, il demanda :
    — Et qu’en est-il de vous, cher maître ? N’avez-vous pas quelque glorieux récit à nous relater ? Sam m’a dit que vous étiez à Maupertuis.
    — Oh, c’est vrai ? Racontez-nous. S’il vous plaît, dit Jehanne.
    — Non. Je n’aime pas en parler. Je n’aime pas parler tout court.
    — Allez, ne soyez pas si modeste et venez vous asseoir avec nous, insista Margot.
    Louis regarda les visages levés vers lui. On lui tendit un cruchon de vin qui circulait parmi eux. Il soupira et se décida à prendre place entre Sam et Thierry avant de boire une gorgée.
    — Il y a peu à en dire en ce qui me concerne, dit-il. Les histoires, ce n’est pas mon fort.
    — Mais vous avez une armure, dit Sam.
    — Seulement une broigne*.
    — Et Tonnerre.
    — Oui, Tonnerre. C’est lui qui m’a sauvé.
    Beaucoup de gens comprirent alors la teneur du lien qui unissait l’homme et sa monture.
    — La chevalerie a commis le même impair qu’à Crécy, fit remarquer Hubert. Elle n’était pas à sa place là-dedans.
    Un vieux paysan le prit à partie :
    — Ne compare pas Maupertuis à Crécy, fiston. Non, mais regardez-moi ce petit jeunot : ça n’a pas le nombril sec et ça se mêle de vouloir jouer les preux. Je vais vous dire, moi, qui n’était pas à sa place à Crécy. C’étaient les mercenaires génois. De la racaille, tous autant qu’ils étaient.
    — Et comment le sais-tu ? demanda Blandine. Étais-tu à Crécy, toi ?
    — Tu crois bien que non, ma belle. Je grattais la terre. J’ai passé ma vie à faire pousser des navets et des haricots. Mais c’est un gars de mon patelin qui me l’a dit. Lui, il y était, à Crécy. Il a tout vu comment ça s’est passé.
    Louis était soulagé de la digression et, oublié, il sirota son vin en toute tranquillité. Il ne s’accordait que très rarement ce genre de répit. Mais à l’extérieur il pleuvait à verse depuis le début de l’après-midi. La forêt s’était transformée en bourbier impraticable. Elle allait longtemps s’avérer pour eux tous une excellente gardienne.
    — Comme vous le savez, le roi entretenait ces Génois à grands frais depuis belle lurette, même s’ils ne valaient pas un clou. Bon, d’accord, j’admets qu’on les disait, avec raison peut-être, indispensables pour affronter les archers anglais. Même si, à la bataille de l’Écluse six ans auparavant, leur chef Barbarava avait ordonné une prompte retraite. Eh bien, un truc comme ça, les gens ne l’oublient pas. Vous comprenez qu’on se méfiait d’eux là-bas. Vous allez voir qu’ils n’avaient pas tout à fait tort. Figurez-vous donc que ces mercenaires d’Italie étaient habitués à se ménager pas mal dans les batailles. Savez-vous ce qu’ils ont sorti comme trouvaille pour se soustraire au carnage de Crécy au moment de l’attaque ? Ils ont déclaré que les cordes de leurs arcs étaient mouillées et ne pouvaient servir.
    — Mais ils auraient pu les cacher sous leurs chaperons comme on le fait, nous, et les Anglais aussi, remarqua Sam.
    — Je le sais bien, petit. Mais vois comme ils étaient veules. Ils n’étaient bons qu’à récolter leur solde. Toujours est-il que les Génois se retrouvèrent coincés par les Anglais, qui les criblaient de flèches et de grosses balles de fer qui leur arrivaient dessus de nulle part, en fait, de ces

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