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Le mariage de la licorne

Le mariage de la licorne

Titel: Le mariage de la licorne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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horribles bombardes (87) .
    — Des bombardes ? interrompit Sam, fasciné.
    — Oui, petit, des bombardes. On croyait entendre Dieu le Père en personne tonner de colère dans le firmament.
    — Permettez-moi d’émettre mes réserves à ce propos, dit Lionel.
    — Plus tard, mon père, plus tard. Bon. Comme je le disais, les Génois n’en menaient pas large, pris entre les Anglais et le comte d’Alençon, frère du roi, qui ronchonnait, disant qu’il valait aussi bien leur passer dessus puisqu’ils défaillaient au pire moment. Le roi de France, hors de lui, était d’accord. Il cria à ses gens d’armes : « Tuez toute cette ribaudaille*, car ils nous empêchent la voie sans raison. » Ainsi, en pleine bataille contre l’Anglais, ceux de France s’en prirent à des gens qui étaient des leurs.
    — Méchant roi de France, dit Jehanne. Notre roi à nous ne ferait jamais une chose pareille.
    — Pas sûr, ma p’tite damoiselle. En tout cas, pour passer sur le corps des Génois, les gens d’armes rompaient leurs rangs. Les chevaux s’effarouchaient dans cette foule en désordre. La vraie pagaille, quoi. Les Anglais se mirent à tirer tranquillement là-dedans sans craindre de perdre un coup. Les beaux seigneurs de France se montrèrent dignes de leur rang à défaut d’avoir du simple bon sens. Le comte d’Alençon, les comtes de Blois, d’Harcourt, d’Aumale, d’Auxerre, de Sancerre, de Saint-Pol, tous armés et blasonnés comme pour la joute, traversèrent les lignes ennemies au grand galop. Ils fendirent avec dédain les rangs des archers, ces minables piétons, hein, jusqu’à la petite troupe des gens d’armes anglais. Là se tenait le prince anglais, qui était alors âgé de treize ans, et que son père avait mis à la tête d’une division.
    — C’était Édouard de Woodstock ? demanda Sam.
    — Lui-même.
    « Je pourrais, moi aussi, être à la tête d’une division », songea Sam tandis que le récit se poursuivait.
    — La seconde division arriva pour le soutenir, et le comte de Warwick fit demander au roi d’envoyer la troisième de secours. Édouard répondit qu’il voulait laisser l’enfant gagner ses éperons, et que la journée fût sienne.
    — Un beau début de carrière, dit Thierry.
    — Je ne te le fais pas dire. Le roi d’Angleterre, qui dominait toute la bataille depuis la butte d’un moulin, voyait bien que les nôtres allaient être écrasés. Certains avaient trébuché dans le guêpier des Génois et s’y trouvaient encore empêtrés, tandis que d’autres, des têtes brûlées comme d’Alençon et le reste, avaient joué aux bravaches et pénétré en plein cœur de l’armée anglaise. Eh bien, voilà, ils se trouvaient encerclés avec leurs belles et pesantes armures toutes neuves. Grands seigneurs ou pas, ils tombaient de cheval comme de gros crustacés et passaient l’un après l’autre par les lames habiles des coutiliers de Galles et de Cornouailles.
    — Qu’est-il advenu du roi ? demanda Jehanne.
    — Philippe de Valois ne manqua rien de cette boucherie qu’il avait commandée. Même son cheval y était resté. Le roi était incapable de s’arracher au champ de bataille. Il ne restait plus qu’une soixantaine d’hommes pour le défendre. Les Anglais n’en revenaient pas de leur victoire. Ils ne bougeaient pas, sinon ils l’eussent pris comme ça.
    En disant cela, il claqua des doigts, il poursuivit :
    — Il était si humilié qu’il ne pensait pas au danger. Enfin, Jean de Hainaut vint le chercher comme il l’aurait fait d’un gamin dissipé. N’oublions pas que c’est lui qui avait dit : « Qui m’aime me suive », en 1328, alors qu’il venait à peine d’être couronné.
    Cette rétrospective fit soupirer Lionel avec dépit.
    — À peu de chose près, dit-il, tout s’est déroulé de la même façon à Maupertuis. Dans le malheur qui l’accable et nous avec lui, le roi Jean n’a même pas su faire preuve d’originalité, sauf celle de se constituer prisonnier.
    — Un prisonnier qui nous coûte cher et qui ne règne même plus, précisa Toinot.
    — Il paraît que son fils le dauphin est un cavalier médiocre, dit Hubert.
    — C’est à cause de sa main malade, déclara un paysan.
    — Seulement sa main ? Qu’en est-il du reste ? demanda un autre.
    — Les rois n’ont rien à y voir. Ce ne sont plus eux qui vont se battre, dit une voix qui fit taire tout le monde.
    C’était Louis qui avait

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