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Le mariage de la licorne

Le mariage de la licorne

Titel: Le mariage de la licorne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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parlé. Il participait si rarement aux débats que son intervention suscita immédiatement l’intérêt. Le métayer fit semblant de ne rien remarquer. Il déposa le cruchon devant lui.
    — Pouvez-vous préciser votre pensée ? demanda Lionel.
    — Oui. J’étais à Maupertuis. J’ai vu ce que les chevaliers y ont fait. Ou plutôt ce qu’ils n’y ont pas fait. Ils ne s’en sont pas tenus aux règles de leur art. C’était à qui franchissait le premier les lignes ennemies, lance au poing. Ils se croyaient encore au tournoi.
    — Mais encore ? demanda Thierry, vivement intéressé. Louis leva les yeux vers lui.
    — Pour être efficace, une charge de chevalerie doit être en ordre, en formation serrée. Jetez une prune en direction du conroi* et elle devra se planter sur une lance. Les chevaliers demeurent ainsi, genou contre genou, tout au long de la manœuvre. Leur sécurité en dépend. Règle d’or : éviter la dispersion.
    — Mazette ! Comment savez-vous tout cela ? demanda Sam, secrètement reconnaissant d’être distrait de l’obsédante pensée que son grand-père était resté dehors, au froid, qu’il devait lui-même être aussi froid que la pierre, qu’il n’avait plus besoin de chaleureuse protection.
    Louis fit la sourde oreille et continua de sa voix grave, posée, que l’on écoutait volontiers :
    — Il faut ensuite mener l’assaut avec la plus stricte discipline. Partir lentement et demeurer en formation serrée jusqu’à l’ultime instant où ils éperonnent leurs montures et abaissent leurs lances comme s’ils ne faisaient qu’un. C’est un vrai mur de fer propulsé par le poids des hommes et des chevaux. S’ils avaient fait cela au moment opportun, je suis convaincu que les chevaliers de France auraient pu vaincre et n’auraient essuyé que quelques pertes.
    — Facile de parler comme ça lorsqu’on n’est qu’un piéton, dit Sam.
    Louis se retourna vers lui, et l’enfant se renfrogna :
    — D’accord. Faites comme si vous n’aviez rien entendu.
    — Tu veux savoir de qui je tiens tout cela ?
    — Dites toujours.
    — De mon cheval. C’est par son comportement que j’ai pu voir comment les chevaliers s’entraînent à la charge.
    Sam ne trouva rien à redire. Il savait que les destriers subissaient un entraînement aussi rigoureux que celui de leurs maîtres. Face à une ligne serrée de fantassins ou de cavaliers, l’instinct d’un cheval lui dictait de s’en écarter. Mais Tonnerre avait appris à agir contre son instinct. Il avait été dressé à continuer sa course en dépit de ceux qui tombaient sous ses sabots, à foncer sur l’ennemi, à le piétiner, à le mordre et à revenir sur lui. Et Tonnerre avait fait tout cela à Maupertuis. Sauf pour lui. Là se trouvait le miracle.
    Louis ajouta :
    — À Maupertuis, il n’a fallu aux Anglais que des archers et des trous pour faire trébucher les chevaux.
    — Et l’invraisemblable vanité des grands de ce royaume, ajouta Lionel.
    — Ouais, cela aussi. J’oubliais. Bon, c’est bien intéressant toutes ces belles paroles, mais ce n’est pas ça qui va nous donner de quoi souper.
    Il se leva. Lionel répondit :
    — C’est bien vrai : primum vivere, deinde philosophari. Il faut vivre d’abord et philosopher ensuite. Ce proverbe a été écrit pour vous, mon fils.
    *
    — C’est ton tour.
    Louis se tenait à l’entrée de l’abri et attendait Sam, les mains sur les hanches.
    — Pas aujourd’hui, répliqua le garçon. Il demanda à la ronde :
    — Quelqu’un veut y aller à ma place ? Moi, je n’en ai pas envie. Avant que quiconque eût le temps de se porter volontaire, Louis insista :
    — Je m’en moque. C’est à toi, et tu t’amènes.
    — Il fait trop froid pour se baigner.
    — Ça m’est égal. On peut te sentir à un quart de lieue.
    Des rires incitèrent le gamin à lui tenir tête encore, ne fût-ce que par orgueil. Se faire dire devant tout le monde que l’on puait était en soi suffisamment humiliant. L’échappatoire idéale lui vint soudain à l’esprit :
    — Mais je ne peux pas me laver, puisqu’il ne reste plus de savon. Louis s’avança.
    — Oh ! oh ! voilà qui n’augure rien de bon, dit Blandine.
    — Eh, mais qu’est-ce que vous faites ? Lâchez-moi, protesta Sam.
    La défaite fut d’autant plus amère que Louis avait résolu la question en empoignant Sam par ses vêtements. Il le serra contre sa hanche comme un agneau

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