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Le mariage de la licorne

Le mariage de la licorne

Titel: Le mariage de la licorne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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agité pour mieux l’emporter dehors, escorté par des éclats de rire.
    — Ça va, hein, posez-moi par terre. Je peux marcher tout seul, finit par dire Sam, dégoûté, après plusieurs minutes de marche dans un sentier que le frimas faisait crisser.
    Mais Louis fit la sourde oreille et ne lâcha le gamin qu’une fois qu’ils eurent atteint le bord du marais. Là, il le laissa tomber dans une boue épaisse et collante dont la surface se couvrait d’un duvet gelé.
    — Ah ! Mais vous êtes fou ou quoi ? cria Sam en pataugeant avec frénésie.
    — Enlève tes hardes et enduis-toi avec la boue. Allez, grouille-toi et fais ce que je te dis. Ça te réchauffera en plus de te décrasser. Fais vite. N’oublie pas les cheveux. Tiens, sers-toi aussi de ça.
    Il saupoudra la pauvre créature grelottante qu’était devenu Sam avec des brindilles de romarin séchées puisées à même sa musette.
    Il n’y avait pas moyen d’y échapper. Louis restait sur la berge et surveillait, les bras croisés. La vapeur de son haleine lui passait effrontément devant le visage avant d’aller se perdre dans l’air doux. Sam obéit donc de mauvaise grâce sous le regard autoritaire de son tuteur, qui avait quand même songé à lui apporter des vêtements de rechange. Ils attendaient, pliés dans sa musette.
    Dès qu’il en eut terminé avec le bain, Sam put s’extraire péniblement de la boue glissante dans laquelle il s’enlisait pour aller se rincer un peu plus loin, là où un filet d’eau claire alimentait le marais. Le ruisselet vivotait encore sous une pellicule de glace que Louis dut briser pour lui à coups de talon.
    — Tiens, vas-y.
    — Brrr… et il vente en plus.
    — Faudra t’y faire. Je me lave bien tous les jours, moi.
    — Pour vous, ce n’est pas pareil. Vous êtes fait en glace.
    — Attention !
    Depuis l’autre berge du marais, les cris alertés d’un canard solitaire retentirent en même temps que les voix rauques de cinq hommes qui s’étaient embusqués plus près d’eux et manœuvraient déjà pour les prendre en tenaille.
    Sam se jeta à plat ventre dans l’eau, parmi les roseaux morts. Il put entrevoir Toinot qui surgissait de nulle part pour se jeter dans la mêlée qui venait d’éclater derrière lui. Un paysan vint à la rescousse. Sans y penser, Sam s’agenouilla parmi des colliers de bulles que des nymphes, dans le désordre de leur fuite, avaient perdus là. Il écarta le rideau de tiges rugueuses derrière lequel il s’était tapi afin de mieux voir.
    À trois contre cinq, le combat promettait d’être inégal. Les Anglais étaient mieux entraînés et surtout mieux équipés qu’eux. Mais Toinot, le paysan et Louis se battaient avec un acharnement que les autres étaient loin de manifester. Ils défendaient leur vie et la viande qui allait leur permettre de passer l’hiver. Les intrus, eux, ne luttaient que pour cambrioler. Ils ne faisaient que cela depuis des mois. Ils allaient le faire encore et encore, autre part, en attendant d’aller rejoindre leurs pareils. C’était d’autant plus lassant qu’il ne restait plus grand-chose valant la peine d’être pris. Devant l’ardeur de leurs opposants, leur priorité immédiate se déplaça.
    Il ne s’agissait plus de grossir un butin dérisoire, mais d’échapper à ce trio d’enragés. À voir ces Normands hirsutes, à demi sauvages et l’arme au poing, nul n’eût pu croire qu’ils protégeaient bien davantage que leur seule pitance. Ils avaient l’air de bandits comme eux.
    L’un des cinq hommes se fit assommer par un courre de charrue. Un autre disparut dans les ronces, emprisonné dans la haineuse étreinte de Toinot.
    Ce fut alors qu’un des hommes, délaissé par les autres qui se vouaient tout entiers à leur combat, s’avança sur la berge. Il aperçut Sam. Il n’eut qu’une brève hésitation avant de s’élancer. Sam se redressa, trébucha dans un enchevêtrement de roseaux en se détournant et retomba à genoux. Les lanières visqueuses des algues lui collaient aux jambes. Elles s’agrippaient à lui comme des esprits maléfiques, complices des tueurs. L’homme arrivait en pataugeant bruyamment. L’eau lui arrivait aux mollets. Sam se releva et tenta de nouveau de fuir. Mais le niveau de l’eau, plus haut pour lui qu’il ne l’était pour l’adulte, le ralentissait dans ses mouvements. Inexorablement, l’Anglais se rapprochait. Sam, haletant, tourna la tête et vit l’homme qui,

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