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Le mariage de la licorne

Le mariage de la licorne

Titel: Le mariage de la licorne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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ses rares démonstrations d’affection et cela manquait à Jehanne. Lui qui passait déjà si peu de temps avec elle se mit à l’éviter et à détourner le regard dès qu’il sentait ses yeux posés sur lui. Elle ne pouvait plus jouer aux chatouilles avec lui et il semblait gêné de simplement lui adresser la parole.
    La jeune fille crut que Louis ne l’aimait plus. Elle se mit à douter d’elle-même. Elle se sentit indigne, malpropre. Son penchant naturel pour les jeux et les petits bonheurs en fut grandement déstabilisé. De plus en plus souvent, au fur et à mesure que le printemps avançait, elle ressentit le besoin d’être seule. Elle partait en promenade et ni Sam ni ses amies n’étaient conviés. Ils n’arrivaient jamais à savoir où elle allait. Le petit Écossais passait des heures à l’attendre dans la tour. Parfois elle venait le rejoindre, parfois non. Lorsqu’elle ne venait pas, Sam en était très malheureux.
    *
    Caen, mi-avril 1364
    Peu avant ces événements, tous les clochers de la ville sonnèrent le glas. Les bourgeois allaient et venaient sous cette triste musique, le pas pressé et la tête rentrée dans les épaules. Le 8 avril, soit quatre mois après son retour sur la Grande Île, Jean le Bon avait rendu l’âme au palais de Savoie, victime d’une maladie inconnue, disait-on de façon officielle. Mais d’aucuns affirmaient que l’abus de bonne chère anglaise avait eu raison de l’otage royal. Sa rançon, qui allait demeurer incomplètement payée, n’empêcha pas les Anglais d’offrir à Jean des funérailles somptueuses à la cathédrale Saint-Paul de Londres, au cours desquelles quatre mille torches de douze pieds de haut et autant de cierges furent consumés. On inhuma son cœur au lieu saint même, et sa dépouille fut rapatriée.
    La veille et le jour même du trépas de son père, le futur roi de France reprit par personnes interposées les hostilités contre Charles de Navarre en investissant ses cités de Mantes et de Meulan. Entre autres atrocités ayant pour but de se faire justice après toutes les vilenies commises par les gens du Mauvais, il fit pendre vingt-huit Navarrais à Paris. Il fit également décapiter l’un des principaux conseillers du Navarrais, le sire de Saquenville.
    Il ne faisait soudain plus très bon d’être un sujet du roi de Navarre. Les gens d’Aspremont et d’Hiscoutine s’en inquiétèrent jusqu’à ce jour où Louis fut convoqué à Caen par le bayle Thillebert. Si l’exécuteur avait vite compris pourquoi il n’avait plus entendu parler du roi de Navarre, la raison pour laquelle sa maison, son hameau et le gros de ses terres avaient été épargnés ne lui fut clairement dévoilée qu’au cours de cette entrevue.
    — Je tiens de source sûre qu’un événement grave est sur le point de se produire, dit le bayle à Louis qui se tenait debout devant le fonctionnaire.
    L’homme bedonnant s’installa derrière la petite table qui lui servait d’étude et dit :
    — Ce n’est pas sans raison que toute la racaille d’Angleterre et de Navarre s’en est allée. À l’heure actuelle, tous ces gens sont en train de se rassembler en un lieu nommé Cocherel. Ils s’apprêtent à porter un grand coup au royaume de France.
    — En quoi cela me concerne-t-il ?
    — J’y viens. Cette nouvelle ne m’arrive pas toute seule. J’en ai une seconde, et elle est d’importance. Figurez-vous qu’en ce moment même, une autre personne est en voyage. Ils le savent et ils l’attendent.
    Louis ne demanda pas de qui il s’agissait. Il se contenta d’acquiescer et attendit la suite. Cela ne gêna aucunement le bayle, qui le connaissait bien. Il posa solennellement ses mains à plat sur la table et continua :
    — Le Dauphin a l’intention de séjourner brièvement à Reims.
    — Ah.
    — À Reims. Vous savez ce que ça signifie ?
    Louis haussa les épaules. Cela ne pouvait signifier qu’une seule chose : un couronnement. Reims était la ville où se faisaient sacrer les rois. Thillebert demanda :
    — Êtes-vous bien certain d’avoir compris tout ce que cela implique ?
    — Oui. Que voulez-vous que j’y fasse ? C’est son droit.
    — Les routiers chercheront à tout prix à empêcher le sacre. J’en suis persuadé. Enfin, bref, le gouverneur Friquet de Fricamp m’a chargé de vous dire qu’il souhaite se rendre là-bas pour la cérémonie en votre compagnie, à vous et à votre fiancée. Il en va de votre

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