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Le mariage de la licorne

Le mariage de la licorne

Titel: Le mariage de la licorne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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connais la nouvelle ?
    — Quelle nouvelle ?
    — Il nous a construit un four banal là-haut. Si, si, au domaine. Tout ce qu’on a à faire, si on veut servir des rôtis et tout, c’est de les lui apporter avec notre contribution d’une bûche.
    — Eh bien, dis donc, ça a peut-être ses bons côtés de pas toujours avoir l’esprit occupé par les filles.
    Une fois que le four tout neuf eut été aspergé d’eau bénite, Louis l’inaugura avec rien de moins que du pain de froment dont il avait, à l’exemple des boulangers de la côte, pétri la pâte au levain très nerveux avec de l’eau de mer. On s’en régala dans la cour, au-dessus d’une vieille nappe rapiécée, avec un peu de vin nouveau, une meulette de fromage sec et la cornemuse qui bégayait, empoignée par les mains avides de deux enfants. L’air de rien, Louis se pavanait fièrement du four aux pique-niqueurs avec sa palette de boulanger garnie de miches dorées.
    — J’aimerais que seanair* voieça, disait souvent Sam.
    Il le redit ce soir-là. Son grand-père lui manquait. On eût dit que l’absence d’Aedan avait le don de se faire sentir plus encore lors de ces moments de bonheur trop vite enfuis.
    Pour Jehanne, les choses se passaient autrement. Elle s’ennuyait elle aussi du vieil Écossais, bien sûr. Comme tout le monde. Mais ce soir-là elle n’y pensait pas. Alors que le soleil se couchait et qu’une brise parfumée de foin folâtrait avec le merveilleux arôme du pain de Louis, Jehanne jubilait. Il faisait bon vivre et son Louis était là, heureux.
    *
    L’hiver 1363-1364 fut si rigoureux que le vin gela dans les coupes. On disait qu’il y avait eu jusqu’à un mètre de glace sur la Seine. Il eût presque été impossible de survivre dans l’abri souterrain dans de telles conditions. Les habitants d’Hiscoutine ne purent faire autrement que d’y penser au cours des longues heures de confinement à l’intérieur du manoir. On passait le temps assis bien au chaud près de l’âtre où fumait constamment bouillon, cidre ou hypocras*. Même les enfants ne se plaignaient pas des menus travaux qu’on ne faisait qu’en hiver, faute de temps à la belle saison, ni des quelques heures d’école quotidiennes dispensées par le père Lionel. Le moine avait rafistolé ses livres et enseignait à deux élèves assidus histoire sainte, lecture, écriture et calcul. Sam, désormais ceint en tout temps d’un cordonnet de cuir, possédait maintenant sa propre tablette de cire et il la traînait partout avec lui. Lionel avait proposé à Louis de se joindre à eux, mais le métayer avait décliné l’offre, alléguant qu’il n’avait pas le loisir de se consacrer à pareil luxe. Il fallait bien quelqu’un pour faire cuire le pain et pour assurer un minimum d’entretien sanitaire en ville durant ces longs mois d’hiver.
    La Chandeleur* procura un agréable changement à la routine, que tous apprécièrent, malgré l’adage voulant que soleil de Chandeleur* annonçât hiver et malheur. La journée s’annonçait splendide. On s’efforça de ne pas trop y prêter attention pour ne pas tenter le sort plus que nécessaire.
    Il y eut d’abord la procession aux chandelles. À l’église, le père Lionel remit à chaque maître du logis un cierge allumé qui était destiné à protéger sa maisonnée des mauvais esprits et de la foudre, en plus d’assurer de bonnes récoltes. Ce fut Louis qui, en tête d’un cortège frileux, fut chargé de rapporter celui du domaine.
    — Surtout, qu’elle ne s’éteigne pas en chemin, murmura Margot d’une voix angoissée, sans quitter la petite flamme vacillante des yeux.
    Afin d’apaiser la grosse domestique qui s’essoufflait beaucoup trop pour son bien, Louis protégea précautionneusement la flamme de sa grande moufle et tourna même le dos au vent.
    — Qu’arriverait-il si elle s’éteignait ? demanda Jehanne.
    — Il arriverait que nous n’aurions qu’à la rallumer, dit Louis.
    — Non. Ça ne servirait à rien, parce que, si elle s’éteignait, ce serait un mauvais présage, dit Blandine.
    — Quel genre de mauvais présage ?
    — C’est vrai qu’on va faire sauter des crêpes ? demanda Sam.
    — Toi, l’Escot*, tu ne penses qu’à ton estomac, dit Blandine. Oui, nous aurons des crêpes bien chaudes pour le déjeuner. Ah, qu’il gèle, qu’il vente. Ce que j’ai hâte d’arriver, moi !
    Toinot, Thierry et Hubert fermaient la marche et restaient

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