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Le mariage de la licorne

Le mariage de la licorne

Titel: Le mariage de la licorne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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allégé par la confession dont c’était pourtant le but. Après l’absolution, que Lionel lui avait donnée comme par hasard sans lui imposer une pénitence, le moine soupira et dit doucement :
    — Maintenant, ma chère enfant, j’aimerais te parler comme un père et non comme un prêtre. Tu sais, je me fais beaucoup de soucis pour toi.
    — Je vais mieux, mon père.
    — Ne mens pas, Jehanne. Je viens tout juste de t’absoudre. N’accordes-tu pas une plus grande valeur au pardon divin ?
    Jehanne ne répondit pas. Il avait raison, elle n’allait pas mieux. Au contraire. Cela avait recommencé ce matin même et cette fois c’était pire. Lionel dit :
    — Tu sais, ma fille, le pardon efface tout. Il n’y a aucune faute, aucune, si grande soit-elle, qui ne trouve grâce devant Dieu si le repentir est sincère. Notre Père du ciel doit nous aimer très fort pour être capable de faire cela. Tu es d’accord ?
    — Oui, mon père.
    — Eh bien, ne crois-tu pas qu’il t’aime suffisamment pour que tu puisses sans crainte Lui confier non seulement tes péchés, mais aussi tout ce qui alourdit ton cœur ? Dis-moi, ma fille, ce qui te tourmente. Confie-moi ton fardeau, mon enfant, et moi, je le confierai à Dieu.
    La voix aimante, rassurante du père Lionel, bien davantage que ses mots, fit monter les larmes dans les yeux gris de Jehanne. À cet instant, elle eut envie de voir disparaître la cloison du confessionnal afin de pouvoir se jeter dans les bras du bénédictin, de s’y abandonner et de ne plus avoir peur.
    — Oh, père Lionel, j’ai tellement honte.
    Jehanne se mit à sangloter en se berçant, les bras croisés sur le ventre. Lionel ne pouvait s’empêcher de se demander de quoi la petite pouvait bien avoir honte pour s’être mise dans un pareil état. Il se souvint que les soucis de l’enfance paraissaient, hélas, trop souvent bien ridicules aux yeux condescendants des adultes. C’était là erreur à ne pas commettre. Les peines n’ont pas moins d’acuité parce qu’on est jeune. Il se disposa donc à écouter.
    — J’ai fait quelque chose de très mal, mon père. Je ne croyais pas que c’était mal, bien sûr, parce que j’aime le maître Baillehache. Mais j’aime aussi Sam et, ce printemps, dans la tour, je lui ai donné un baiser sur la bouche. Il m’a prise dans ses bras et nous nous sommes touchés.
    Derrière son grillage, le père Lionel était statufié. Sam ne lui avait rien confessé de tout cela. Il demanda, d’une voix blanche :
    — Touchés comment ?
    — Juste touchés. Comme lorsqu’on caresse les chats. Jehanne leva les yeux et se hâta d’ajouter :
    — Je toucherais bien le maître Baillehache aussi, mais il ne veut plus. C’est lui qui ne m’aime pas. Si c’était mal d’embrasser Sam, moi, je l’ignorais, et maintenant, je vais mourir.
    — Que dis-tu là, ma fille ?
    — Dieu me punit et je vais mourir bientôt. Je suis malade. Quelque chose me ronge en dedans et il y a du sang.
    Elle baissa honteusement la tête.
    — Cela sort… entre mes jambes. Je cesse de saigner après quelques jours et on dirait presque que je suis guérie, que Dieu m’a pardonnée, mais cela finit toujours par revenir. C’est la troisième fois. Et ça me fait très mal au ventre.
    — Oh, Seigneur, dit Lionel d’une voix plaintive.
    Il se prit le visage à deux mains et se le frotta. Jehanne se méprit sur le sens de cette supplication. Elle prouva qu’elle avait longuement réfléchi à la question de sa maladie en disant :
    — Que va dire le maître Baillehache ? Il sera sûrement fâché contre moi. Il va croire que c’est à cause de Sam.
    — Ma pauvre petite fille, écoute-moi.
    Et le silence se fit dans le confessionnal, car le père Lionel ne sut que dire. Il ignorait comment aborder la question. Il laissa échapper un profond soupir, leva les yeux au plafond et murmura :
    — Très Sainte Mère de Dieu, je m’en remets à vous. Ce ne devrait pas être à moi d’expliquer ces choses.
    Puis, à Jehanne, il demanda :
    — Margot ne t’a donc rien dit à ce sujet ?
    — Elle n’en sait rien. Je… je vais moi-même laver au ruisseau les linges que j’emploie.
    — Ah, c’était donc cela, ces ballots.
    — Vous avez vu ? demanda Jehanne craintivement.
    — Oui, mais… enfin bref, il ne s’agit pas de cela. Ce que je veux savoir, c’est si Margot a bel et bien manqué à ses devoirs envers toi.
    Le ton sec du moine

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