Le mariage de la licorne
caresses de son mari, le temps de grimper à quatre pattes dans le grand lit inconnu à l’aide d’un petit escabeau. Elle s’inséra un peu craintivement entre les draps propres, tout neufs. Les courtines se refermèrent sur elle seule et, soudain troublée, elle eut envie de lui dire de ne pas aller plus loin.
— N’ayez pas peur. Je ne vous ferai aucun mal.
Jehanne sursauta et chercha d’instinct à trouver l’origine toute proche de la voix qui semblait avoir répondu à sa pensée. Louis écarta les courtines et abaissa sur elle son regard de bourreau. La jeune femme se recula dans ses carreaux*, intimidée. Louis dit :
— Je sais ce qui vous effraie. Efforcez-vous de ne pas y penser. Faites comme si vous l’ignoriez toujours.
Elle fit un petit signe d’assentiment nerveux.
Après avoir enlevé sa huque*, il se pencha au-dessus d’elle. Il lui arracha les couvertures des mains et ouvrit les pans de sa chemise de nuit, exposant sa poitrine à l’air frais de la chambre. Sa main remonta contre le ventre plat et se mit en quête d’un petit sein qu’elle emprisonna. Jehanne, jusque-là immobile, tressaillit. Il sentit le mamelon se durcir sous sa paume et il se mit à le taquiner. Lui aussi était rose, comme un petit bouton de fleur prêt à éclore. Jehanne échappa un soupir grelottant. À demi assise contre les carreaux*, elle lui empoigna les cheveux et se poussa afin de lui ménager une place. Elle souleva la partie de l’édredon qui n’avait pas été dérangée, l’invitant timidement à s’étendre auprès d’elle. Il commença par s’y asseoir, sans manifester l’intention de se déshabiller. Jehanne sentit le matelas se creuser sous le poids de l’homme et retint son souffle. Elle brûlait de sentir contre sa peau la chaleur de celle de Louis. Soudain, il roula sur lui-même et l’enfourcha. Il était lourd. Son poids l’enfonça dans le matelas, l’étouffa et, paradoxalement, fit déferler en elle d’exquises vagues de désir. Alors que le matelas et les carreaux* formaient tout autour de sa silhouette un nid profond dont elle devint captive, elle tressaillit encore et, inquiète, se cramponna à lui de ses bras graciles. Timidement, elle tenta de soulever sa chemise à lui, mais n’arriva qu’à glisser sa main sous son col ouvert. Elle effleura du bout des doigts les muscles durs, noueux comme du bois, qui se tendaient entre le cou et l’épaule. Il émanait de ce petit endroit une impression de force physique à l’état brut, pour le moment contenue. La pénombre rendait son visage spectral. Deux gemmes sombres y scintillaient.
Une joue moite de larmes se pressa contre son cou.
— Je vous aime tant, Louis. Restez toujours avec moi.
Elle ferma les yeux et s’abandonna sous la coupe de délices nouvelles, intenses, produites par des mains calleuses qui exploraient sa chair semée de grains ambrés. Louis ne semblait pas être conscient d’une brutalité autoritaire qui lui était naturelle. Il paraissait ignorer que Jehanne pouvait elle aussi éprouver le besoin de le toucher. Il lui souleva le bassin pour lui enlever son blanchet*, toujours sans songer à retirer son propre vêtement. Il ne lui laissait pas le temps de se remettre d’une caresse qu’il en commençait une autre, plus ardente encore. Il prit son visage entre ses mains et la regarda avant de réclamer goulûment ses lèvres. Possessif, il se pressa durement contre elle, si bien qu’elle eut peur d’en suffoquer.
La grande main lui massa doucement la nuque et, soudain, il lui empoigna les cheveux, rejetant sa tête en arrière. Jehanne haleta. Les lèvres minces de Louis papillonnèrent sur sa gorge offerte. Elle frémit violemment de désir et d’angoisse à la pensée de celui à qui elle se donnait, lui, l’intouchable, celui dont on évitait autant que possible de croiser la route parce que lui seul détenait ce pouvoir terrifiant de tuer son prochain au nom de tous. Et c’était lui, ce donneur de mort, qui la faisait vivre comme elle n’avait jamais vécu. Lui, le donneur de mort, savait éveiller en elle les pulsions donneuses de vie pour lesquelles son corps de femme s’était longuement préparé.
Une main rose errante essaya à nouveau d’atteindre le cordonnet qui attachait la chemise de l’homme. Elle se referma dessus avec adoration.
Louis lâcha les cheveux captifs, se déroba et tira Jehanne par les chevilles, la forçant à s’étendre complètement. Il se
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